Hugo Cabret est une déception. Non pas que l'idée de voir Martin Scorsese réaliser un film familial, au contraire. Nous étions curieux de voir en quoi sa légendaire science du cadrage et du découpage associé au génie de sa monteuse Thelma Schoonmaker allait se greffer à un cadre enfantin, pur.
S'il fallait diagnostiquer le vrai problème du film, il faudrait avancer que l'ensemble souffre globalement en deux endroits: l'émotion et l'intention.
Scorsese, généralement, semble faire bien trop confiance à son matériau d'origine (le roman illustré de Brian Selznick, L'invention de Hugo Cabret) et choisit donc de ne pas pousser son travail d'adaptation plus loin qu'une attention méticuleuse aux décors et aux accessoires. En interview, Martin Scorsese s'épanche beaucoup sur son nouveau choix de carrière: faire un maximum de films pendant qu'il en est encore temps. Conception morbide mais louable, comme si enfin gagner cet oscar du meilleur réalisateur qui lui fut si longtemps refusé son aspiration à tourner «against type», à délaisser le film de gangsters. Malheureusement, «se faire plaisir» pour un réalisateur ne rime pas souvent avec exigence et intransigeance. Et surement pas dans le cas présent.
Si le scénario évoque une espèce d'aventure simili-Harry Potter Low-Fi (on a vu péripéties plus trépidantes), le rendu à l'écran apparaît en ce sens outrageusement surproduit compte tenu des enjeux minuscules ici à l'oeuvre. Exemple, le climax commence par un «terrible» rebondissement, l'arrestation de Hugo par l'agent de station. Notre jeune héros parvient cependant à s'échapper en un tour de main, grâce à ses dons inhumains en horlogerie et mécanismes en tout genre. Aveu de faiblesse ultime: la scène la plus spectaculaire du film - un déraillement évoquant largement le légendaire accident de 1895 à la Gare Montparasse - s'avère au final être une scène de rêve...
Le film est terriblement mal construit ce qui, au-delà de l'interprétation peu inspirée voire désincarnée, constitue le principal obstacle au potentiel emotionnel du film. La première bobine repousse ad vitam l'affichage du titre (héritage des Infiltrés) pour une longue séquence introductive voyant Hugo évoluer dans la Gare Montparnasse, ses horloges, ses murs, ses personnages haut en couleur, etc. Tout cela est très joli, Amelie Poulain en diable, et Scorsese semble avoir bien retenu la leçon auprès de James Cameron (on voit les deux réalisateurs discuter du film dans une vidéo en ligne depuis quelques jours): la stéréoscopie n'est pas un procédé de parc d'attractions, c'est un outil esthétique, ajoutant profondeur et richesse à l'image.
Si Scorsese délaisse l'aspect émotionnel de la figure de l'orphelin (Spielberg se serait régalé), qu'est-ce qui a bien pu l'intéresser dans le roman de Selzick? La réponse est simple: sa fixette absolue sur Georges Méliès et la réhabilitation à l'orée des années 30. On est en droit de rester un peu circonspect face à la démarche visant à associer le désir de réaliser un film pour enfants et son combat d'archiviste cinéphilique qu'il livre depuis 1992 au sein de la World Cinema Foundation. Intellectuellement, cependant, c'est louable: Hugo opère un pont entre les époques ; un pionnier oublié du cinéma capté avec ce qui serait censé incarner la dernière révolution en date de la projection cinématographique.
Mais au final, Hugo manque cruellement de rythme et même - un comble - d'ambition. Il s'agit au pire d'un art direction movie soporifique et imbitable, au mieux d'un cours de l'histoire du cinéma assez agréablement éxecuté.