Bien sûr c'est maîtrisé, cadré au millimètre, éclairé au cordeau, production designé aux quatre épingles, chargé de sens mais pas sur-esthétisant, explicite mais sans outrance ni (trop de) complaisance, réaliste, âpre, cru, physique, douloureux, mutique, séquentiel, habité, audacieux, monumental.
C'est tout ça et c'est un premier film berdol !
Bien sûr que les prisonniers sont plus martyrs que terroristes, que leur désespoir est poignant.
Bien sûr mais je regrette de n'avoir compris la première heure qu'en lisant Wikipedia.
Les conditions carcérales, insupportables rien qu'à les regarder, semblent imposées aux prisonniers comme dans les pires dictatures sanguinaires. Et que dire des méthodes de nettoyage ! Je me suis beaucoup demandé si tout ça était vrai, si les britanniques sont inhumains à ce point...
Alors, le film n'en dit rien mais nous assistons en réalité à la Grève des Couvertures (76-78) et à celle de l'Hygiène (mars 78- oct 80) sur lesquelles vas-y renseigne toi ! Ces conditions de vie intolérables sont choisies par protestation, accompagnées de revendications que le film effleure à peine. Je sais pas pour toi mais pour moi c'était pas clair du tout : Boby ne veut pas être lavé.
Autre point compréhensible mais pas bien clair non plus : le film est en 3 temps bien distincts.
1. La première partie (de rien).
Les protestations silencieuses et désespérées, donc .
1b. Une ellipse : ces deux actions ont abouti à une première grève de la faim (27 oct à 19 déc 1980) conclue par un accord avec les autorités britanniques, à peine évoqué comme tel dans le film, insatisfaisant pour les prisonniers, dénoncé par eux le 4 fev 81.
2. Le fameux dialogue de 20 min que t'hallucines les interprétations animales, où Boby évoque cette 1e "hunger". Il commence la sienne le 1e mars. Il présente ça comme le fruit d'une réflexion et d'une expérience qui lui permettront de ne pas reproduire les erreurs (qu'on peut imaginer lointainement) passées, alors qu'il s'agit d'enchaîner juste après.
3. La 3e partie (non vraiment, je t'en prie) que si tu tiens t'as pas de cœur.
Tout ça pour dire que le sentiment d'être pris en otage, évoqué dans certaines critiques, est assez justifié pour qui ne connaît pas l'histoire au préalable. Le statut de martyr des prisonniers est amplifié par les choix de mise en scène qui suggèrent une responsabilité unilatérale et directe alors que la vie est plus complexe que ça.
Bon, ces éléments sont aussi explicités dans les bonus du blu-ray. Donc même sans Internet le spectateur peut échapper à sa condition carcérale. Les droits de l'homme ont progressé en 40 ans.
Sinon en termes de cinéma c'est juste un film incroyable. Une expérience difficile mais édifiante.