Ce film, c'est un peu "Rosemary's baby" sauf que c'est le contraire en fait. Et sans le côté démoniaque.


L'idée est plutôt intéressante, mais dans le déroulement narratif, on se retrouve face à un récit fade, pauvre en confrontations, en dialogues, en situations. Ce n'est pas tellement le fait que ce soit si distant par rapport aux personnages, mais plutôt parce qu'il ne se passe pas grand chose, que ce n'est pas vraiment exploité. La folie de Mina, on ne la ressent pas. Il y a même des scènes où elle paraît normale. Cela aurait pu être une piste intéressante, mais exploitée comme dans le film, cela ne fait que contredire de manière incohérente, simplement parce qu'on sait qu'elle est folle. Le personnage de Jude n'est pas mieux traité : sa détresse touche plus au misérabilisme qu'autre chose et cela vient du fait qu'on ne comprend pas assez pourquoi il laisse tout passer. Quant au niveau juridique, il est trop peu poussé et exploité de manière peu plausible (c'est peut-être ainsi dans la réalité, mais dans une fiction il en faut un peu plus).


Niveau message, c'est un peu bizarre. L'auteur aurait-il une dent contre sa femme ? Est-ce qu'il a juste voulu montrer du doigt les déviances d'un amour maternel ? En tous cas, l'on pourra retenir de ce film, et cela fera plaisir aux féministes, que les femmes sont des grosses quiches qui ne pensent qu'à couver leur gosse à outrance (parce que la mère de Jude n'est pas beaucoup mieux que Mina). L'on retiendra également qu'au final rien ne vaut une petite justice faite par soi-même. Enfin, moi ça ne me dérange pas, je suis ouvert à tous les points de vue. Le discours anti-féministe sert surtout à raconter quelque chose d'intéressant ; le discours pro-arme, en revanche, m'a déçu parce qu'il arrive comme un cheveu dans la soupe, sans que rien ne nous y prépare.


Visuellement il y a des choses intéressantes. Il semblerait que le réalisateur aime enlaidir ses personnages : non seulement il opte pour un très grand angle qui déforme les visages mais en plus il veille à ce que la moindre impureté de la peau nous soit visible du premier coup d’œil. Le grand angle est un bon choix pour représenter la folie d'un personnage ; même si ce n'est plus très original à notre époque, ça reste efficace ; ce qui m'ennuie, c'est que ce ne soit pas si bien exploité en tant que concept formel, que cette idée tombe vite à l'eau. De plus, le découpage ne lui rend pas toujours justice, certains plans avec ces grands angles proches de l’œil du poisson auraient gagné à être filmé en un seul plan séquence, histoire 'd'accompagner' cette folie. Pour le reste ça fonctionne correctement, avec de temps à autre un joli plan qui n'est pas sans rappeler le travail de Malick. Le montage souligne les chutes de rythme du scénario à l'aide de fondus au noir bien lourdingues. Les acteurs aussi sont bons. Adam Driver, je l'aime bien ; je l'ai découvert dans la série "Girls" où il a la chance de forniquer avec la belle Lena Dunham et j'ai hâte de voir son jeu dans le prochain "Star Wars" ; Alba Rohrwacher, je ne la connais pas, elle joue assez bien et est même mignonne par moment (ses grains de beauté sur la paupière lui donne un charme fou) ; les autres s'en tirent bien même s'ils ne restent pas longtemps à l'écran.


Bref, un petit drame partant d'une bonne idée mais sombrant peu à peu dans un presque misérabilisme où il ne se passe, au final, pas grand chose, même si c en'est jamais déplaisant à suivre. Dommage.

Fatpooper
5
Écrit par

Créée

le 5 août 2015

Critique lue 682 fois

3 j'aime

Fatpooper

Écrit par

Critique lue 682 fois

3

D'autres avis sur Hungry Hearts

Hungry Hearts
cinevu
8

Dans le monde de Mina

On flirte avec la perfection : une écriture soignée, un scénario tragique, une réalisation maîtrisée et deux comédiens grandioses. Un thriller psychologique qui sait nous emmener au bout de nos...

le 23 juil. 2015

8 j'aime

Hungry Hearts
easy2fly
8

Au coeur de la folie

Pour son quatrième long-métrage, Saverio Costanzo retrouve Alba Rohrwacher, présente dans son précédent film « La solitude des nombres premiers », en adaptant le roman de Marco Franzoso « Il Bambino...

le 3 mars 2015

8 j'aime

Hungry Hearts
MarcoSerri
7

Film de guerre à la brutalité exacerbée par l'absence de mise en scène

Après que Saverio Costanzo ait réduit la partie romantique du film à sa plus brève expression avec la scène de rencontre, on entre de plain pied dans ce qui va devenir un pur drame. Si l'écriture y...

le 27 juil. 2015

4 j'aime

Du même critique

Les 8 Salopards
Fatpooper
5

Django in White Hell

Quand je me lance dans un film de plus de 2h20 sans compter le générique de fin, je crains de subir le syndrome de Stockholm cinématographique. En effet, lorsqu'un réalisateur retient en otage son...

le 3 janv. 2016

122 j'aime

35

Strip-Tease
Fatpooper
10

Parfois je ris, mais j'ai envie de pleurer

Quand j'étais gosse, je me souviens que je tombais souvent sur l'émission. Enfin au moins une fois par semaine. Sauf que j'étais p'tit et je m'imaginais une série de docu chiants et misérabilistes...

le 22 févr. 2014

121 j'aime

45

Taxi Driver
Fatpooper
5

Critique de Taxi Driver par Fatpooper

La première fois que j'ai vu ce film, j'avais 17ans et je n'avais pas accroché. C'était trop lent et surtout j'étais déçu que le mowhak de Travis n'apparaisse que 10 mn avant la fin. J'avoue...

le 16 janv. 2011

108 j'aime

55