" J'ai vu le futur du polar ... et il crie Hyena ! " dixit le vénéré Nicolas Winding Refn.
Dit comme ça, autant dire que ce Hyena signé Gerard Johnson venait mine de rien de se payer l'adoubement le plus classieux possible pour son thriller ultra violent, qui il est vrai sur le papier, rappelait de la plus belle des manières la précieuse trilogie Pusher du tonton Refn.
Polar urbain et sanglant reprenant visiblement au pied de la lettre tous les codes du genre avec une assiduité folle, le film semblait envoyer méchamment du lourd dans sa première bande annonce, et son classement en salles (interdit aux moins de 16 ans) doublé à sa distribution par le The Jokers, habitués aux péloches joliment musclées (The Raid 2, Blue Ruins, Cold in July et Snow in Paradise récemment), avait décemment tout pour nous séduire.
Bête de festivals, le film suit l'histoire de Michael Logan, qui incarne un mélange complexe d’alcoolique occasionnel et d’officier de police corrompu.
Mais l’univers sinistre dans lequel il évolue est en pleine mutation.
L’arrivée en masse de gangsters sans pitié venus d’Albanie menace de bouleverser le paysage criminel londonien.
Jusqu’ici son instinct lui avait toujours donné une longueur d’avance, mais son comportement de plus en plus autodestructeur et la brutalité des nouveaux chefs de gangs vont le plonger dans une spirale de peurs et de doutes...
A l'instar de bons nombres de péloches britanniques de ces dernières années (notamment Snow in Paradise pour le coup), la nouvelle vague de cinéastes british, en dignes descendants d'Alan Clarke, de Guy Ritchie et Danny Boyle, débarque sur la scène du septième art avec des films au concept très fort mais surtout collant parfaitement au contexte sociale brulant et bouillant qui ébranle le royaume de la Reine Elizabeth.
Hyena, second long de Gerard Johnson, ne déroge clairement pas à cette règle, en bon polar aussi crasseux et âpre qu'il est nerveux, dérangeant et fascinant.
Magnifié par une introduction coup de poing laissant planer le doute quand aux intentions des forces de l'ordre (vrai/faux flics ripoux ?), le film incarne une véritable descente viscérale et nihiliste dans un Londres au visage inconnu et underground, une capitale dénuée de tout aspect carte postale, une parfaite zone de non-droit ou les méchants sont réellement méchants et ou mêmes les supposés héros sont de véritables salopards.
Une pure et implacable plongée en enfer bourrée de rebondissements ou le héros, un flic (mais pas seulement lui, toute la police est pourrie jusqu'à l'os) censé être un représentant morale et physique de la loi, se voit une nouvelle fois séduire par les douces courbes de la corruption, très vite coincé dans un étau qui se resserre inexorablement autour de lui, tiraillé par ses démons (le mensonge, la drogue, l'argent facile) et une violence incontrôlable incarnée par une vague immigrante barbare et sans scrupules.
Alors tant pis donc, si ses nombreuses références le bouffent un brin aux yeux des cinéphiles (difficile de ne pas penser aux Pusher, Bronson et même Only God Forgives de Refn, mais aussi au cinéma de Ken Loach en plus violent), clin d’œil forcé à Taken en prime (les Albanais sont les nouveaux vilains à zigouiller à la mode en Europe), et que l'aspect trop classique voir même prévisible de son script le dessert fortement; le second essai de Johnson ne révolutionnera pas le genre mais lui offrira un joli nouveau rejeton suffisamment dégénéré pour marquer.
Méchamment grandiloquent et sordide, d'une crudité et d'une brutalité rare - sa classification moins de 16 ans est amplement justifiée -, Hyena est un trip urbain et sanglant qui frappe constamment là ou ça fait mal quitte à franchement dérouter son spectateur, un Vrai film de bonhomme racé et bandant au casting impeccable (époustouflant Peter Fernandino), porté par une mise en scène énergique et maitrisée, et un score des plus oppressant.
Pas le hit attendu certes, mais une bande efficace et couillue comme on les aime, et c'est vraiment (mais alors vraiment) déjà pas mal.
Jonathan Chevrier