Il y a des films où la mise en scène et le montage importe bien plus que l’histoire. C’est le cas notamment dans « Festen » où la mise en scène « Dogme 95 » dont je suis un fan absolu surpasse l’idée pourtant assez original d’un gars qui va dévoiler pendant l’anniversaire de son père que celui-ci l’a violé lui et sa sœur. « thirteen » aussi je trouve, en apparence, le pitch est très classique mais Catherine Hardwicke et son chef opérateur Elliott Davis, aussi par manque de moyens, ont magnifié ce pitch et les performances d’acteurs et actrices (Evan Rachel Wood, une des meilleures actrices du monde).
« Hyper tension » c’est vraiment cela poussé au curseur le plus fou. S’inspirant ouvertement des jeux vidéos où un personnage est confronté à différents éléments, il commence par un plan subjectif du perso principal : Chev (Jason Statham, dans presque chaque scène, vraiment déchaîné et en plus faisant la totalité de ses cascades, y compris celle finale où il est accroché à un hélicoptère à 600 mètres, je déconne pas, il l’a vraiment fait) puis plan objectif le voyant regarder un enregistrement d’un type lui disant et lui montrant l’avoir injecté un poison dans le corps.
Déjà fait rare dans un film, on voit un homme regarder ce qu’un autre homme lui a fait (!).
« Hyper tension » est filmé souvent et logiquement caméra à l’épaule, style dont je suis un fan absolu, mais les réalisateurs ont décidés de filmer avec des angles complètement improbables : les caméras étaient sans doute très petites. Et partout où Chev peut être filmé, il est filmé : extraits de caméras de vidéos surveillances d’une boutique, split-screen voire alors qu’il traverse un couloir parlant au téléphone avec son médecin, on voit sur un mur l’image du médecin parlant (avec lui !), jusqu’à des incrustations en plein écran, ainsi vers la fin Chev dit « c’est marqué con ici ? », en disant son front et c’est vraiment marqué « con » sur son front (pour nous en tout cas !).
C’est 1 heure 18 d’idées de mise en scène, de montage totalement barrés, avec également des ralentis, pauses sur images, surimpressions en noir et blanc, etc. me rappelant les idées quasiment sans interruption du film muet « L’inhumaine ».
Les réalisateurs et scénaristes se sont vraiment déchaînés.
De ce fait, il n’y a non plus pratiquement aucune pause dans le récit, Chev en voiture, en moto, courant, tuant aussi, n’ayant pas la langue dans sa poche (les dialogues sont vraiment punchys) et tout cela aux quatre coins de Los Angeles.
Excepté dans « thirteen » (oui, encore) et dans « Short cuts », je n’ai jamais vu Los Angeles filmé de manière aussi fouillée.
« Hyper tension » est clairement une déclaration d’amour à Los Angeles.
Quitte à faire beaucoup de dégâts, ravageant un centre-commercial en voiture pour finir avec une voiture en travers d’un escalator (faut le voir pour le croire).
On est vraiment à Los Angeles, on voit des vrais habitant(e) de la ville, « Hyper tension » étant un film à petit budget (ce qui est encore plus impressionnant vu les dégâts commis), il arrive que les figurants regardent vers la caméra ignorant visiblement qu’ils sont filmés.
En plus de la violence parfois crue (Chev coupe la main à coup de hachette et l’autre tente de la frappe même sans main), il y a de l’humour bien secoué, à commencer par le moment où Chev, à cause de ce qu’il s’injecte pour ralentir le poison, à une trique pas possible et va tringler dans Chinatown devant des touristes chinois, sa compagne (très bien foutue).
Il y a deux ou trois scènes plus calmes, émouvantes : la relation amicale entre Chev et son médecin (fort bien interprété par… un chanteur de country et doublé en français génialement par Pierre-François Pistorio) est vraiment très belle. Le climax sur une terrasse est assez long et faible mais finalement impressionnant et assez gore.
Bref, il y a vraiment de tout dans « Hyper tension » : où comment deux auteurs de clips : Mark Develdine et Scott Taylor, avec un budget de (seulement) 12 millions de dollars (on a l’impression de bien plus) se sont défoulés dans un film : j’ai rarement, si ce n’est jamais vu – excepté dans « L’inhumaine » - une aussi grande liberté de ton irrévérencieux, jusqu’au boutiste, d’idées de mise en scène, de montage. C’est un vrai trip d’un heure 18 (générique de fin non compris).
Voir ce film, c’est comme recevoir une décharge.
Faut vraiment voir « Hyper tension » sérieusement.