Attention ! Ceci n’est pas un film. Voyez la chose comme une expérience. Un peu le mythe de la caverne revisitée. Un conte grandeur nature, à l’échelle humaine puis petit à petit on en arrive à douter de ce qu’on a sous les yeux. Est-ce un parcours initiatique ? Un suspense sur fond de politique fiction ? La théorie du complot exposée et dévoilée ? Tout est vrai, mais tout est faux. Voilà pourquoi ce filme est beau. Il réconcilie la vérité et le mensonge avec brio. Mon film culte pendant longtemps jugé introuvable. Finalement je l’ai eut il y quelques années sur un site en ligne. Avec la démocratisation d’internet, tout devient plus facile. Mais qu’en est-il du film ? Est-il aussi bon que dans mon souvenir ? Réponse :
Mais qui a tué Kennedy ? Voilà la réponse. Mais qui a tué le président Jarry ? Tout le monde aura vite fait le rapprochement. L’intrigue est inspirée des théories sur les circonstances de l’assassinat du président Kennedy tué lors d’une visite à Dallas. Depuis ce fameux jour, tous les présidents de la planète ont abandonné la décapotable et se promènent en voiture blindé, on devinera pourquoi. Et il y a plus. Jarry s’est fait descendre lors de sa descente triomphale en ville après son élection. Le tir vient d’un immeuble mais lequel ? L’enquête est bouclée en deux temps, trois mouvements. Le coupable idéal s’est fait lui-même justice. On l’a retrouvé mort, le fusil à côté. Case closed. Mais un procureur plus intègre que les autres, Henri Volney reprend l’affaire en main. Avec son équipe il dénoue peu à peu les ficelles de ce qui s’avère être un nœud de vipères. Une gigantesque manipulation à l’échelle d’un pays tout entier, voire plus loin. Et ça fait froid dans le dos même si c’est un vieux film. Même si on en a vu d’autres depuis...
Une des nombreuses thèses veut que Kennedy ait été tué par la mafia, qui n’a pas été satisfaite du retour sur investissement vu qu’elle l’avait aidée à devenir président et n’a pas été récompensée en retour. Le film diverge. C’est un mythe politico-initiatique. I comme Icare, ça ne vous dit rien ? La légende grecque du gars enfermé dans un labyrinthe, avec son père Dédale. Il fabrique des ailes factices collées à la cire pour fuir par les airs. Et la suite fait partie de la légende. Ceux qui connaissent la légende, connaissent la fin du film. C’est passionnant car filmé comme une histoire vraie avec la forme d’une fable. Á la fois simple, et chargé de symboles clairs ; et ouvre les yeux de ceux qui ne veulent pas voir clair. Pas de jargon ici. Un petit illustré d’un conte et d’une légende appliquée mise à jour à l’époque moderne. Icare est un peu Ulysse qui cherche le chemin pour retrouver son île, Ithaque. Ici, Volney c’est l’aventurier qui cherche le chemin qui mène à la vérité.
Et pour tous ceux qui sont ne sont pas convaincus, nous avons au beau milieu du film, la rencontre terrifiante entre Icare (le procureur Volney), et la Pythie, (le professeur Naggara) à l’université de Layé. L’oracle ouvre les yeux du héros sur le fond de la nature humaine, et c’est pas joli joli. Nous sommes tous esclaves de notre cerveau reptilien, et là ce n’est plus du cinéma.
Expérience:
Je crois avoir acheté ce film rien que pour revoir cette séquence. Culte.
L’expérience du professeur Naggara, largement inspirée de celle bien réelle du professeur Milgram, menée à l’université de Yale, New Haven, Conn. On trouve sans peine sur internet le fac-similé de l’annonce publié réellement par le journal local pour recruter des candidats à l’expérience. La même annonce que dans le film (fiction)… Froid dans le dos, je disais ? Là ça dévient glacial. Un vrai blizzard. Une longue expérience qui nous montre sans alternative possible que chacun est capable de faire des choses contraires à sa propre conscience, sans le moindre cas de conscience, ou de culpabilité et dormir sur ses deux oreilles. Sans menaces, sans vengeance, froidement. Il suffit de le demander. On appelle ça, la soumission à l’autorité. Il faut le voir pour le croire car sans le savoir le procureur qui est témoin de l’expérience, verra que lui aussi était un cobaye. Et le spectateur à un degré moindre, se rend compte plus tard qu’il a été piégé lui aussi. Une expérience en forme de ruband de Moebius. Inextricable.
Film à mettre dans la liste des films de ma vie. Après, la vie n’est plus tout à fait la même. C’est comme sortir de la chambre noire, et être aveuglé par le soleil, Dédale puis Icare. La caverne.
Et l’enquête continue. Volney, cherche à tout prix la vérité. C’est un héros de BD. N’importe quel individu bien constitué saurait s’arrêter à temps, mais lui est pris dans l’engrenage d’une machine qui le broie inextricablement. Il vit dans un monde révolu. Celui des idées. Ulysse, Achille, lcare. Il croit en l’honneur et la justice. Mais plus il s’approche de la vérité, et moins on y voit clair. Pour finir par entrer dans Babel. Complot, il y a, oui, mais à l’échelle mondiale ( !) Montand est égal à lui-même. Solide. La réalisation est pas mal du tout. Costa Gavras n’ayant pas de moyens hollywoodiens a fait un miracle. Ça se déroule comme un polar politique et un film d’aventures. Et Volney ressemble de plus en plus à Ulysse, perdu, loin d’Ithaque, lui et ses compagnons pataugent, dans un jeu trop complexe pour eux et pour nous. Un complot qui implique réseaux et services secrets, éléments indispensables à toute démocratie qui se respecte. Le vernis démocratique est un beau vernis, fait resplendir l’illusion. Dur, dingue.
Loin d’Ithaque et de plus en plus seul sur la pente glissante qui mène à la vérité, Volney voit soudain de plus en plus clair, complètement grisé et sourd aux sirènes du danger. Il commence à entrevoir la terrible vérité. Arrivé au bord la falaise, il a une intuition et passe un coup de film à sa belle, la belle Hélène. La belle Hélène historienne spécialiste des civilisations qui connaît très bien le mythe d’Icare. Á mon avis, il aurait du l’appeler avant, mais trop occupé à sauver le monde il en a oublié l’essentiel. Trop tard…
PS: Mais pourquoi j'ai dit Costa-Gavras? C'est Henri Verneuil...