Il faut voir I don't want to sleep alone comme une proposition de cinéma qui sort des sentiers battus plus que comme un pied-de-nez au spectateur.
En effet, le film peut déconcerter par sa forme qui ne prendra pas le spectateur par la main. On a affaire a un montage composé de longs plans fixes qui capture des instants de vie au même titre qu'une caméra de surveillance, à l'énorme différence qu'ici, on parle tout de même d'art, donc tout est réfléchi, tout est poétique...
De plus il y a tout de même un scénario sous-jacent mais ce n'est pas l'aspect à retenir du film.
Tsai Ming-Liang a un véritable sens du cadrage, qui, de part le parti-pris des plans fixes, fait immanquablement penser à un travail de photographe. Il joue sur les profondeurs de champ, sur l'idée d'insérer des cadres (fenêtres, portes...) dans le cadre (l'image dans son ensemble), ce qui a pour effet d'éveiller les sens... Certaines personnages sont présents dans l'image mais semblent comme non prévues à la base, comme s'il s'agissait d'un reportage photo.
Il prend un véritable plaisir à jouer avec les matières également, cette matière urbaine notamment, avec ses zones défraichies, ses pans de murs qui ont surement des histoires à raconter; mais aussi les miroirs, pour éviter de filmer certaines actions du film directement, par pudeur.
C'est aussi amusant de voir cette relation ambiguë entre les deux personnages principaux, cachés par une simple moustiquaire, où l'un va laver l'autre avec beaucoup d'attention. La moustiquaire ajoute un grain supplémentaire à l'image mais crée la aussi un voile de pudeur...
Et le dernier plan du film apporte une dimension poétique qui lorgnera plus du coté du symbolique que de démonstratif mais vous laissera bouche-bée.
On a donc un film qui s'adresse avant tout aux rêveurs, à ceux qui peuvent prendre le temps de contempler une œuvre et acceptent de ne pas avoir la carotte scénario pour se sentir stimulé.
De toute beauté!