I feel food est l'histoire d'un mec qui a envie d'être riche en ne faisant rien ; Jean Dujardin débarque, en peignoir et claquettes, chez sa soeur qui gère un centre Emmaüs près de Pau. Pour elle qui est dans le social, et lui qui a envie de s'en mettre plein les fouilles, ce sont deux visions du monde violemment opposées.
Au fond, le personnage que joue Dujardin pourrait être une version contemporaine d'OSS 117, tellement il croit à la stupidité de ses propos ; ses idoles sont des gens comme Bill Gates, Bernard Tapie, Carlos Ghosn, tous immensément riches. Alors, après avoir rencontré un ami d'enfance, il va vouloir se lancer dans la chirurgie esthétique low cost en Bulgarie.
Il y a toujours quelque chose de tendre chez les Grolandais Delépine et Kervern, et on voit toute l'admiration qu'ils portent aux habitants de ce centre Emmaüs, qui sont d'ailleurs ceux qui y vivent réellement, et faisant de la récupération sur des objets cassés, les réparent et les revendent afin de subvenir à leurs besoins. Avec d'ailleurs de très beaux plans sur des tas de cocottes minutes, des couvercles, des cintres, du bric et du broc. Mais pour une fois, il n'y a guère de message social dans le film, mis à part l'utopie qu'on peut devenir riche à partir d'une idée aussi stupide soit-elle.
Et dans ce rôle de benêt, Jean Dujardin fait des merveilles face à une Yolande Moreau sidérée, où les moments d'humour sont très nombreux. Aussi bien la voiture de cette dernière, une vieillerie des années 1960 à plus de 500 000 km au compteur et où les cendres de leurs parents sont les vides-poches !
Tout comme leurs précédents films, on sent que malgré le bordel ambiant, les cadres sont finement choisis pour provoquer un effet comique, qu'on ne décèle pas forcément au premier abord, comme le fameux bureau de Dujardin, où il a un rendez-vous professionnel par Webcam, pour se rendre compte qu'il est à l'extérieur.
Je suis un inconditionnel de ces deux réalisateurs, et la présence de Dujardin, donc probablement plus d'argent au budget, leur a permis une réalisation un peu plus soignée que d'habitude, pas de 16 mm ni de caméra qui bouge tout le temps, mais on sent qu'ils en ont bavé avec la fin digne d'un bon Bertrand Blier, c'est-à-dire mauvaise et quelque peu moralisatrice, avec le retour d'un certain abbé...
Ceci mis à part, c'est dans la droite lignée de leurs films précédents, humain, généreux, imparfait, mais drôle.