Est-ce si mauvais ? Une telle unanimité dans la détestation est toujours inquiétante, n’y aurait-il vraiment rien à sauver ?
Stuart Beattie tire son scénario d’un comics de Kevin Grevioux. Beattie-scénariste n’a pas démérité, on lui doit notamment Collateral et Australia, mais aussi le pitoyable nanar G.I. Joe : Le Réveil du Cobra. Puisque l’on parle de navet, avouons que I, Frankenstein assume son statut de série B à petit budget. Un film bourrin au héros badass, destiné à faire oublier à des ados plus ou moins décérébrés, de tous âges, l’approche de leurs examens, entre deux montées d’hormones. Le pitch s’articule autour de la guerre impitoyable déchirant deux sociétés secrètes, après les G.I. Joe et Cobra, Bond et le Spectre, les vampires et les Lycans ou autres loups garous, bienvenue aux démons et aux… gargouilles. Cela mérite une explication. Les démons sont démoniaques et soumis à Naberius, un prince démon, ils aspirent à dominer la terre et réduire l’humanité en l’esclavage. A leur mort, leur esprit retourne aux enfers. Rien de neuf ? Si, un esprit démon doit, pour s’incarner, disposer d’un corps humain en « état de marche », mais dépourvu d’âme, ce qui semble rare, d’où l’intérêt de la découverte du vieux Frankenstein, nous y reviendrons.
Plus subtil, les gargouilles ne constituent pas la partie saillante des gouttières gothiques… mais un ordre secret et guerrier constitué d’êtres de lumière créés par Dieu pour lutter contre les démons. D’accord. Pour tuer les dits démons, prenez soit de l’eau bénite, soit une arme blanche marquée de la croix (secrète) à trois branches horizontales. Vous me suivez ? Vous l’ignoriez, normal, puisque c’est un Secret. Les cathédrales ne sont pas des lieux de culte mais les bases secrètes des gargouilles. J’y songe, un enseignement occulte réservé à des initiés, c’est la définition de la gnose. Beattie nous livre un film ésotérique. Notez que nous quittons la gnose chrétienne, type Da Vinci code, avec ses moines assassins et la descendance de Jésus, pour une gnose manichéenne, opposant un royaume de lumière au royaume des ténèbres. Le mal n’est plus en nous, mais en eux. Pratique.
Techniquement, Beattie-réalisateur tient la route. Son oeuvre prouve que le coût de l’imagerie de synthèse a fortement décru. Vous apprécierez les vols de gargouilles, qui telles de grosses mites, tournent au dessus de leurs proies avant de frapper en piqué. L’animation des visages est moins convaincante, par chance, ils s’humanisent le plus souvent pour parler. Les acteurs sont plutôt bons. Le précieux et badinant Bill Nighy réendosse son rôle de prince du mal, celui d’Underworld, Pirates de Caraïbes et Good Morning England. Aaron Eckhart, en dur laconique, fait le job. Il reprend le rôle de la Créature, lui donnant une plastique plus avenante que celle, mythique, de Boris Karloff.
Quelque mots sur le fond de l’histoire : à l’insu de la pauvre Mary Shelley, Frankenstein père se révèle être l’idiot utile et léninien de Naberius : en permettant la réanimation de myriades de cadavres sans âme, il lui offre la victoire finale. Quelques difficultés scénaristiques demeurent. Soit Beattie a abusé de substances hallucinogènes, soit il a manqué de temps. J’aimerai l’aider. Les gargouilles sont sensées protéger l’humanité, or, nos héros bataillent ferme, sans susciter le moindre intérêt d’une population totalement absente. Je propose un truc du genre, l’humanité a disparu, dans un espace parallèle, le temps du film. Ou encore, les gargouilles pourchassent depuis des siècles les démons, or Naberius a établi son le repaire (secret) a trois pâtés de maison de la cathédrale, pourquoi Adam Frankestenstein le découvre-t-il sans effort ? Des questions de ce type m’ont sans cesse assailli…
Peut-être faut-il y voir le charme d’un nanar… ou la preuve que la vérité est cachée et que je suis indigne d’une initiation aux arcanes de Beattie !