Le "rape & revenge" (que l'on peut littéralement traduire par "viol & vengeance") est un sous-genre horrifique paradoxalement fécondé par l'une des œuvres les plus brillantes du cinéaste suédois Ingmar Bergman : La Source (1960). En effet, si La Dernière Maison Sur La Gauche (Wes Craven - 1972), métrage américain considéré comme étant le pilier fondateur du genre, reste encore aujourd'hui un schocker d'une violence insoutenable, il n'en est pas moins qu'un simple remake "non officiel" du film d'auteur médiéval de Bergman.
Depuis 1972, de nombreux cinéastes s'inspirent alors presque automatiquement du classique de Craven pour proposer leur vision du genre. Et No Moriré Sola (titre original argentin) n'échappe aucunement à la règle en suivant une structure s'avérant être un énième copié/collé en trois actes de tout ce qui a déjà été traité sur le sujet.
Un premier acte sous forme de longue introduction présentant les quatre futures victimes, ici de jeunes étudiantes en fin d'année scolaire et rentrant chez elles en empruntant une nationale provinciale peu fréquentée. Un deuxième acte où elles subissent malencontreusement en chemin les sévices sexuels d'un petit groupe d'autochtones pervers et assassins en puissance. Et un dernier acte où la situation se retourne indéniablement contre les agresseurs.
Bref, rien de très original sauf que Adrián García Bogliano, dont c'est ici le cinquième long-métrage, ne désire en aucun cas contribuer à la forme dite "spectaculaire et grand public" de ce qu'est banalement devenu le genre grâce (ou à cause) de certains remake de classiques indépendants et originellement fauchés, dont ceux de La Dernière Maison Sur La Gauche (Dennis Iliadis - 2009) et I Spit on your Grave (Steven R. Monroe - 2010), productions purement hollywoodiennes ciblant essentiellement un public de jeunes adultes se goinfrant de pop-corn et applaudissant à tout rompre la revanche vengeresse des victimes sexuellement abusées. I'll Never Die Alone est assurément d'un tout autre acabit et ne banalise en aucun cas la brutalité d'un viol. Enfin !
D'abord de par le choix du réalisateur à se concentrer exclusivement sur le point de vue des victimes, en particuliers sur celui de l'attendrissante Carol, incarnée à la perfection par Gimena Blesa, âgée d'à peine 19 ans lors du tournage. En ce sens, le spectateur se voit ainsi littéralement privé de toute identification aux bourreaux, la caméra s'attardant consciencieusement sur les émotions de ces pauvres jeunes femmes lors de la longue et éprouvante scène de viol dans la forêt, renforçant à la puissance 1000 l'horreur de la situation.
Au son, le fidèle complice du cinéaste, Hilario Galasso Rimolo, innove en s'accordant également aux moindres émotions des comédiennes, offrant ainsi un travail quasi expérimental de sonorités étouffées, voire même parfois silencieuses. Le choc, aussi bien visuel qu'auditif, est total, ultra violent et dérangeant, mais jamais complaisant.
Sans une once d'ironie et de second degré, I'll Never Die Alone est un véritable uppercut en pleine face et n'est donc pas à mettre sous tous les yeux, même si il reste, à mon humble avis (qui n'est que le mien), le plus déchirant, le plus violent et le plus inoubliable "rape & revenge" de toute l'Histoire du cinéma.