Un petit thriller implacable entre maîtrise parfaite de la caméra et scénario imprévisible et malin.

Sorti en catimini juste à la réouverture des salles, ce petit thriller venu de nulle part avec une Helen Hunt défigurée par la chirurgie est une petite bombe d’angoisse et de suspense. Dès les premières images on est happé par l’aspect visuel du film et l’ambiance délétère mise en place. En guise de prologue, ces nombreux plans à priori anodins sur une petite ville tranquille de la côte Est américaine sur lesquels une bande sonore anxiogène est apposée donnent le la et nous intriguent. Ensuite, le suspense se met en place doucement mais surement, de manière insidieuse. D’un côté on a des enlèvements d’adolescents qui ressemblent à une vieille affaire ayant eu lieu dans la même ville dix ans plus tôt et de l’autre une présence étrange et des incidents quis se déroulent dans la vaste maison d’un couple dans une mauvaise passade. Durant la première moitié du film, Adam Randall nous balade entre les deux. Il alterne de petits effets réussis pour nous mettre sous tension, loin des ridicules jump scares à la mode en ce moment, et crée une atmosphère oppressante sans que l’on se doute un seul instant de comment ces deux pistes narratives vont se rejoindre et vers quoi cela va déboucher.

Il est tellement agréable (et rare de nos jours) de ne pas savoir vers quoi on nous emmène et de se questionner constamment ce qui se passe à l’écran. L’aspect suspense, entre thriller et policier, est là mais il se pare d’autre chose. Horreur? Fantastique? Home invasion? Drame psychologique? On hésite, on ne sait pas et c’est le pied. Et c’est tellement bien ficelé qu’on ne voit pas l’incroyable rebondissement du milieu de film arriver, un retournement qui permet de revoir tout ce qui s’est passé avant sous un autre œil. La première partie prend donc son temps mais n’ennuie jamais, la curiosité prenant le dessus et notre esprit avançant tout type d’hypothèse. Randall rend l’ambiance étrange, étouffante voire pesante avec rien. Un tour de force qui montre un jeune cinéaste inconnu en pleine possession de ses moyens et de sa caméra. D’un côté l’enquête policière semble classique mais prenante et de l’autre les faits dans la maison occasionnent frissons, inquiétudes et questions. La manière dont tout cela est filmé ajouté à cette bande-son malsaine finissent le travail. Une fois ce rebondissement pertinent et surprenant passé on se demande ce que va nous réserver la seconde partie car tout est expliqué à l’excès. On se dit le script a rendu sa meilleure cartouche…

Mais non, le scénario est tellement malin qu’il continue à nous étonner avec son lot de surprises jusqu’à la toute fin. Une fin magistrale et totalement imprévisible, et ce n’est pas si souvent au cinéma. Difficile d’en dire plus sans déflorer le côté vierge et gâcher le plaisir d’un thriller de cette trempe, humble mais à la fois puissant et super efficace. On pourrait reprocher le fait que les motivations du méchant ne soient pas expliquées mais avec une réplique simple, directe et intelligente, le scénario préfère envoyer balader toutes les explications psychologiques (et souvent lourdes) dudit personnage pour ne garder que le côté suspense et les révélations en cascade. Et c’est tout ce qu’on lui demande! « I see you » est vraiment une excellente surprise et intègre à son histoire une activité étrange au centre de tous les développements du film et qu’il est impossible de deviner. Le script joue avec notre logique et avec nos nerfs de manière subtile et jubilatoire. L’angoisse est de la partie non-stop et les rebondissements sont crédibles. On passe donc quatre-vingt-dix minutes non seulement accroché à notre siège, mais en plus content de s’être fait avoir de la sorte par un scénario malin mis en scène de manière magistrale et adéquate. Du thriller de haute volée à découvrir absolument et un auteur à suivre.

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