Pawel Pawlikowski joue de la lenteur sur un film relativement court et pourtant ni sentiment de précipitation ni de longueur ne se fait sentir.
Tout est si bien construit que la narration nous immerge dans cette quête de la vérité et du choix.
Contrairement à son adaptation du livre de Douglas Kennedy La femme du Ve où l'ambiance fantastique malheureusement, avait du mal a être retranscrite, le cinéaste signe ici une œuvre épurée et sensible. La musique rappelle à la nostalgie, les cadrages à la photographie, la géométrie des plans à la rigidité et le noir et blanc peu contrasté épouse parfaitement les décors des villes et les routes désolées, donnant un aspect froid et délétère, tout autant qu'esthétique, et une ambiance emprunte de religiosité, où l'émotion l'imprègne toute entière.
Une belle réussite qui vaut aussi pour ses deux principaux personnages.
Ida a passé son enfance dans un couvent et ne connaît ni son histoire ni vraiment le monde. Avant de prononcer ses vœux, Ida ira à la rencontre de Wanda sa tante et seul membre restant d'une famille juive décimée. Wanda qui semblerait excentrique si ce n'était la douleur à se souvenir, douleur à laquelle Wanda aura tentée de s'extraire. Ida, élément déclencheur, la sauvera tout autant que la condamnera. La force qui se dégage de cette toute jeune fille viendra en contrepoint du désespoir de plus en plus prégnant de Wanda.
Limpide et claire tant dans ses courtes paroles que dans ses rapports inflexibles Wanda, parfois comique par ses dialogues incisifs, est le personnage le plus marquant dans l'évocation de cette période noire, pointant le déni et les non-dits.
Road-movie dans la Pologne abîmée d'après-guerre, d'une politique communiste violente, Wanda fera son proche chemin revisitant le passé pour un travail de mémoire et d'acceptation. Ex-procureur, figure oubliée, brisée par la perte, naviguant entre alcool, cigarettes et rencontres d'un soir, elle se rapprochera pourtant de cette nièce taiseuse, au semblant naïf.
Elle mènera l'enquête à la recherche de ceux qui pourront leur apporter des réponses sur la destinée de leurs parents. La misère a effacé les crimes pour se concentrer sur elle-même. Les hommes meurtriers et qui auront spolié les biens de la population juive, chercheront encore à récupérer ce qui peut l'être. L'humain ainsi montré à Ida la verra pourtant prendre de la hauteur. Au fil de ses déambulations s'ouvre aussi le champ des possibles, à l'image de ce jeune musicien et de son orchestre, symbole de tentative de reconstruction, et d'ouverture à la vie. Mais de son ultime hommage à Wanda disparue, s'immergeant littéralement dans son personnage, Ida choisira son destin.