Confrontation d'une Pologne communiste et d'une Pologne consumériste, le film retrace le devoir de mémoire d'un pays qui n'a pas su ou pu faire table rase du passé. Ida,nonne dans un couvent au début des années 60, se voit accorder une permission de quelques jours pour retrouver avec sa tante les responsables de la mort de sa mère. Prétexte à une quête initiatique sur ses origines juives, cette enquête mène les 2 femmes à fouiller l'histoire douloureuse de cette terre spoliée par la montée du nazisme. Mais nul besoin ici de connaissances historiques approfondies pour apprécier pleinement ce long-métrage. Le contexte de départ se suffit à lui même et les quelques rappels parsemés tout du long sont la pour nous guider. En effet, il est principalement question de repentance et de don de soi ,de croyance et de foie dans la supériorité des forces vivantes de la nature humaine.
Pawel Pawlikowski construit ce très beau et cours poème sur l'éveil à la vie d'une jeune et belle religieuse qui découvre le monde extérieur avec un mélange de stupéfaction et d’émerveillement. Se découvrant une sensualité qu'elle ne soupçonnait pas, elle se laisse petit à petit séduire avec force hésitation.
Sa rencontre avec un séduisant Jazzmen est un profond bouleversement car c'est une dure et émouvante remise en cause sur la Toute-Puissance de Dieu. Tandis que sa tante se laisse envahir par le doute et regrette sa grande carrière d'avocate passée à combattre les ennemis de la Nation, elle se met à croire en un avenir radieux qui lui ouvrirait les portes de la pénitence et du bonheur. Cette recherche d'un autre destin, ce renoncement dans l’idolâtrie du Tout-Puissant marque la naissance et la mue magnifique d'une enfant dévouée au sentiment de pureté.
Le nouveau chemin qui s'annonce est paradoxalement vécu comme une menace.Par peur de ne plus appartenir au monde des Justes et de souiller l'éducation catholique qui l'a forgée, elle renoncera finalement à L'Amour pour se laver de ce péché originel.
Dans un noir et blanc soyeux, la caméra accompagne ces âmes perdues et esseulées en perpétuelles questionnement sur la nécessité de vivre. A rebours de l'austérité d'un Mickaël Haneke qui semble vouloir punir le spectateur en quête de respiration, le réalisateur prend le temps d'écouter et de laisser vivre ses personnages. Mais ne les condamne aucunement en installant des espaces singulièrement joyeux. D'une valse envoutante avec son jeune amant à des dialogues finement et drôlement prononcés, tout est fait pour ne jamais perdre de vue que spiritualité et dérision ne sont en aucun cas antinomiques. Quel réel plaisir que d'assister à un tel moment de pure et simple réflexion philosophique. La religion y est décrite dans toute sa complexité et les rituels captés avec une hauteur d'esprit absolument merveilleuse.
Le choix de certaines prises de vue peut surprendre mais elles sont l'expression la plus vraie et la plus simple d'une observation très pertinente. Il ne nous est jamais imposé une pseudo prise de conscience sur l'importance d'une puissance supérieure à toute vie humaine, comme cela à pu être le cas avec le surestimé et complaisant"Des Hommes et Des Dieux" de Xavier Beauvois. C'est un véritable enchantement pour le cœur et l'esprit.