-Un film d'auteur de Michelangelo Frammartino. Le génie, je ne pense que du bien de ce que j'ai vu de cet homme. Le cinéaste qui a le plus compris la modernité de sa discipline (le cinéma d'art, le film d'auteur). Qu'est-ce-que la modernité dans les films d'auteurs ? C'est, tout bêtement, cette bizarre (mais très juste) notion de disparition d'effilochage ou d'évanescence du personnage principal. Schématiquement, on peut dire que ça a commencé par Ozu : lui le premier a osé montrer un personnage principal qui ne parle quasiment pas; puis Antonioni : dans l'Avventura le personnage principal disparaît dans le premier tiers du film (tout un manifeste n'est-ce-pas...); puis Godard : Le personnage principal est privé de toute narration, il n'est plus qu'un thème parmi d'autres; puis les Straub : Le personnage principal ne bouge pas, il est privé de mouvement, ce n'est qu'un réciteur d'une supposée mémoire oubliée; et puis et puis quelques-uns qui ont tous marqué le cinéma de leur petite touche personnelle, chacun à sa façon... et puis il y'a ce cinéaste, un de ces derniers génies en date : Chez Frammartino, le personnage principal ne parle pas (comme Ozu), il disparait avant la fin du film (comme Antonioni), il est privé de tout schéma narratif (comme Godard), et il ne bouge pas (comme Straub) ! C'est la totale mdr ! Or, la modernité, le contraste de la modernité, c'est ça : La mise en évidence de l'impuissance la fragilité l'insignifiance mortelle de l'homme, vs / face à, l'omniprésence la solidité la vigueur éternelle du monde qui nous entoure imperturbablement. Telle est la contradiction du cinéma poétique, et, qu'est-ce-que le film d'auteur, si ce n'est du cinéma poétique ?!! Rien. C'est ce que montre donc ce cinéaste en ne montrant que des pierres des vaches des plaines des nuages des personnages occupés à leur trucs et qu'on suit en silence et un personnage principal innomé et pratiquement inexistant (le berger). Bref, passer à côté de ce cinéaste, c'est passé à côté de la modernité du cinéma d'auteur. Un des plus beaux films de la décennie 2020.
-Si on n'excepte la petite séquence de gratte-ciel au départ, il n'y'a pas un seul dialogue de tout le film (et, bien entendu, aucune note de musique, cela va sans dire); et, pourquoi y'en aurait-il ?! La perfection est silencieuse.