Le train entre dans la gare silencieuse. Trois hommes vêtus de longs cache-poussières attendent patiemment. Le train repart, laissant un homme solitaire, un joueur d’harmonica (Charles Bronson). Il repartira de la gare laissant trois cache-poussières derrière lui. A l’intérieur des cache-poussières, trois hommes. A l’intérieur des hommes, trois balles. Et son chemin meurtrier ne s’arrêtera lorsqu’il aura eu la peau de leur chef, Frank (Henry Fonda)…
Chef-d’œuvre du western spaghetti, Il était une fois dans l’Ouest est sans doute le film le plus culte de son réalisateur, Sergio Leone. C’est en effet sans doute son œuvre la plus accomplie, celle dans laquelle il fait montre de toute l’étendue de son talent de metteur en scène. Servie par des acteurs exceptionnels au jeu très intense, cette épopée sauvage peut surprendre par sa lenteur. Une ambiance quasi-méditative s’installe en effet dès les premières minutes pour ne s’envoler qu’à la dernière note du film. Une ambiance due aussi bien à la superbe mise en image d’un récit âpre et sans pitié qu’à la mise en musique d’Ennio Morricone, qui signe ici une partition dont la beauté n’égale que la célébrité. C’est grâce à cette atmosphère tout à la fois moite, pesante et fascinante qu’on ne voit passer (presque) aucune des minutes de ces 2h45 de spectacle que nous offre Sergio Leone.
Spectacle d’un monde, spectacle d’une transition aussi. Une transition subie par certains, acceptée par d’autres, vécue par tous ceux qui constitue le monde de l’Ouest américain, en pleine voie de modernisation. Car le chemin de fer n’est autre qu’une transition, celle d’un âge à un autre, et tous ceux qui ne veulent pas l’accepter, ou qui n’y parviennent pas, seront abandonnés à leur solitude. Ce train qui avance, c’est celui d’un progrès, mais quel progrès ? Le triomphe du collectivisme sur l’individualité ? Le triomphe de l’argent sur le colt ? Ce triomphe, en tous cas, l’homme à l’harmonica s’y refuse. Ce qu’il cherche, c’est la justice, et la justice à l’ancienne, par la vengeance et par le colt. Et une fois celle-ci accomplie, il s’en repartira sur son chemin, en bon lonesome cow-boy qu’il est et qu’il restera toute sa vie. Lui n’est pas comme Jill, la veuve qui l’a accompagnée dans sa quête. Elle sait s’adapter, s’ouvrir aux progrès et à ceux qui le concrétisent par leur travail, s’intégrer à ce nouveau monde en passe de voir le jour. Mais non, cette Amérique en train de naître n’aura pas sa peau à lui ; lui sera toujours cette vieille Amérique, la vraie, l’authentique. Un peu comme Sergio Leone, finalement : il représentera toujours le cinéma, le vrai, l’authentique. Celui qu’on ne se lasse jamais de voir et de revoir, et qu’on donnera encore en leçon à de nombreuses générations à venir…