Cela fait un demi siècle que ce western de Sergio Leone a vu le jour sur les grands écrans des salles obscures. Longtemps avant enfin de le voir et de le revoir périodiquement dans sa version rallongée, le thème musical de l'homme à l'harmonica avait suscité une imagination des scènes lorsque je l'entendais depuis le transistor de mes parents. Ma mère racontait les évènements tristes de ce long film qu'elle a vu dans son adolescence, une famille assassinée, enfants compris, par des tueurs sans pitié …
Chacun des principaux personnages, qui sont au nombre de quatre, a droit à son entrée dans de longues séquences :
La séquence qui ouvre le film, dans une gare au milieu de nulle part où patientent trois hommes, voit apparaître enfin l'homme à l'harmonica (Charles Bronson) qui leur fait face dans un cadrage superbe, après une longue attente sous les roulements grinçants d'une éolienne comme seule musique lancinante. Les première notes de l'harmonica émerge du vacarme mécanique du train qui s'en va, suivie d'une mélodie de mort intrusive et inquiétante qui précède l'un des plus fameux duels dans l'histoire du cinéma.
La deuxième séquence montre la famille McBain, un père revenu de chasse et ses enfants en plein préparatif d'une cérémonie dans une grande propriété dans un paysage semi désertique. Les stridulations laissent place à un long silence. Un coup de feu, un cri, le massacre a lieu. Le petit garçon qui surgit à l'entrée de la maison voir ce qui se passe marque le premier coup tranchant d'une guitare. C'est alors que cinq silhouettes habillées de longs manteaux sortent des buissons. Cinq tueurs qui font face au plus jeune enfant, dont le regard croise celui rempli de cruauté de Frank (Henri Fonda). La scène est poignante et déchirante. Un dernier coup de feu retentit …
...Et s'enchaîne la troisième séquence sur les crissements d'un autre train arrivant dans une autre gare. Les voyageurs descendent et parmi eux, émergeant d'une voiture, Jill McBain (la magnifique Claudia Cardinale), les yeux plein d'espoir, d'une promesse d'une vie belle, cherchant son mari supposé venir la prendre mais dont elle ignore encore le meurtre multiple qui s'est déroulé dans le ranch qu'elle doit rejoindre. Avec elle, une fois la gare ferroviaire passée, on découvre alors une ville, la civilisation émergeante dans cette partie de l'Ouest, puis les paysages sauvages avec une symphonie de violons soulignant leur majestuosité, symphonie perturbée par les travaux du chemin de fer qui conquiert peu à peu un pays amené à voir un monde disparaître progressivement.
… Le conducteur du chariot emmenant Madame McBain vers son nouveau domicile décide en route de s'offrir une pause dans une taverne. Jill McBain, bien que pressée de rejoindre son époux et contrariée, se contraint de pénétrer à son tour dans le lieu crasseux à ses yeux et dévoile un caractère fort en répliquant au tavernier qui est admiratif devant la dame distinguée des grandes villes de l'est. La conversation est interrompue par des bruits de galops au-dehors, des coups de feu, des hennissements, des cris masculins, puis le silence. Les gens ont les yeux rivés vers l'entrée de la taverne. Un homme entre à reculons un revolver à la main. Il se retourne et lève la tête. Plan sur le visage éclairé du Cheyenne (Jason Robards), belles rouflaquettes, regard dans un rai de lumière qui dévisage d'un coup d'œil à droite et d'un coup d'œil à gauche. Il a les mains menottées …
Les quatre principaux personnages ont fait leur entrée, chacun accompagné d'un thème musical qui lui est approprié, reconnaissable et dans des tons différents selon les circonstances. Leurs chemins se croiseront, à plusieurs reprises, les trajectoires gravitant autour ou convergeant vers la ferme McBain convoitée d'un côté par un puissant industriel du chemin de fer conquérant, le nommé Morton (Gabriele Ferzetti), lequel, secondé par Frank, veut dominer sans partage. À l'opposé, la même ferme est défendue par l'homme à l'harmonica avec l'aide involontaire du Cheyenne et ses hommes accusés du crime commis au début. Ses raisons de se confronter à Frank se révèleront à la toute fin, lors du duel final au bout de presque trois heures de film.
Mais quel film ! Quel western ! Quelles images !
Les musiques se combinent avec les paysages, les décors, les visages burinés cadrés de près par la caméra comme les regards qui montrent un large panel de sentiments et qui en disent bien plus que des paroles.
Les compositions d'Ennio Morricone accentuent une dimension émotionnelle des situations souvent tragiques jusqu'aux derniers instants où elles inspirent, aussi, de la nostalgie d'une époque qui s'efface sous nos yeux et d'un cinéma d'hier désormais lointain mais qui reste vif dans le coeur.