Lorsque les bruits des machines rendent muets les sons de la terre, c’est l’Homme qui s’érige en future légende oubliée.


Une roue qui n’a pas fini de tourner, sur un rail ou dans un revolver, pour accélérer le temps qui ne peut plus attendre que le hasard fasse les choses. On donne le pouvoir à deux yeux bleus, si clairs qu’ils nous transpercent comme deux morceaux de métal traçant leur chemin, dans les airs ou sur la terre, jusqu’à nous, ou jusqu’à la mer. Des yeux qui nous ont fait rêver d’un monde plus juste, et qui bientôt disparaîtront dans un souvenir haineux.


Disparaître pour laisser place, voilà ce que semble être la destinée de l’ouest. Qu’on abandonne le western, ou les personnes qui ont construit son modèle, il faudra laisser place à une modernité appelant au rêve de voir un jour les deux bouts d’un monde trop grand pour se sentir chez soi partout. Probablement à travers une peinture, ou même une flaque d’eau boueuse au bord de la mort.


De plus en plus, mourir semble être une option. Dans ce monde où la place pour la sauvagerie devient ténue, repartir dans l’embrasure d’une porte vers l’ouest sauvage qui nous ressemble dans un final doux-amer, à l’image de nos héros Fordiens, n’est plus possible. Le rêve de liberté a disparu, pour un autre promettant la même chose. Mais se débarrasser du prolongement de sa main et de la manie qui l’habite aujourd’hui, après tant d’années…


Que l’on s’habille en noir ou en blanc, ou que l’on soit juste victime de conditions qui nous ont poussés à être haï, nous sommes voués à disparaître. Nous sommes des icônes aux gueules cassées, et nous iront resplendir sur l’étendue désertique. Notre désert. On vous le donnera, car les uns ne pourront s’adapter à l’arme verte en papier, tandis que les autres n’en veulent tout simplement pas. Qui ne voudrait pas de cette mère qui nous abreuve ? Les morts, sûrement, mais les fantômes également.


N’oubliez pas qu’il fût un temps où la poussière régnait sur ces terres, et un escargot avançant doucement et sûrement est bien peu de chose. Cependant, il porte sa maison sur son dos, et l’Homme qui est chez lui ne voudra jamais repartir.


Tant pis pour la sauvagerie, tant pis pour la bestialité, et tant pis pour l’Amérique. Maintenant nous aurons une vie. Enfin, eux. Car nous, nous sommes destinés à être immortalisés sur une pellicule.

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le 4 oct. 2016

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