Je viens de revoir ce film dans une version de 3h40 qui n'est pas celle des 4h ou 4h20 voulue par Sergio Leone (imaginez les producteurs de 1983 devant un montage de plus de 4h, pour eux c'était de la folie), mais je la trouve néanmoins cohérente. Le destin a voulu que ce premier film américain de Sergio Leone soit aussi son dernier, c'est le fruit de près de 15 ans de gestation pour un accouchement dans la douleur, à cause des coupes dont il fut l'objet, mais c'est le testament cinématographique d'un des plus grands cinéastes italiens, un maître que je vénère depuis que j'ai vu mon premier Leone à l'âge de 12 ans dans un vieux cinéma de La Rochelle avec mon père et mon oncle, c'était Il était une fois dans l'Ouest, premier segment de la trilogie sur l'Amérique, suivi par Il était une fois la révolution, et dont Il était une fois en Amérique la conclut.
J'avoue que j'ai toujours eu un peu de mal avec ce film, non pas que je le trouve mauvais, mais pour moi les histoires de gangsters passent après ma passion indéfectible pour le western, c'est pourquoi mes 2 films préférés de Leone sont dans l'ordre : le Bon, la brute et le truand et Il était une fois dans l'Ouest. Cependant, ce revisionnage me l'a remis en mémoire et m'a ouvert une perspective différente, beaucoup moins négative, mais je maintiens quand même ma note qui reste une note positive.
En fait, ce n'est pas qu'un simple film de gangsters, c'est une oeuvre passionnée et fourmillante, la description fulgurante d'une Amérique entre la Prohibition et l'avènement du gangstérisme, nuance. Car le réalisateur s'attaque à cet autre maillon de la mythologie américaine qui va gangréner le pays, après la conquête de l'Ouest et la révolution mexicaine. C'est surtout un récit sur le rêve américain de puissance et sa compatibilité avec la notion d'amitié, thème cher à Leone. Oeuvre crépusculaire et tragique, le film impressionne par sa construction narrative qui permet de cerner la vérité des personnages et par une utilisation dramatique qui donne toute l'épaisseur voulue à ces mêmes personnages. C'est un film sur l'amitié, la trahison, la nostalgie, le temps qui s'écoule inexorablement, et qui met en lumière un homme médiocre (Noodles), c'est sans doute le film le plus mélancolique et le plus humain de Leone.
Tous ces éléments m'ont intéressé mais pas entièrement passionné comme peuvent me passionner les westerns du réalisateur, la lenteur ne me dérange pas vraiment, même si j'ai trouvé quelques petites longueurs par-ci par-là, mais je peux comprendre que certains considèrent le film comme un chef-d'oeuvre, tout comme je peux comprendre ceux qui le trouvent trop lent. On peut parfois le comparer au Parrain dont il est l'antithèse ; Sergio Leone disait que le film de Coppola est une chronique magistrale et spectaculaire, alors que Il était une fois en Amérique est une fable où j'ai essayé de glisser ça et là la vérité ou des vérités.
Il faut aussi saluer en plus de l'interprétation où De Niro et James Woods dominent un casting superbe, la reconstitution minutieuse de l'Amérique des années 20 et 30 avec des décors exceptionnels lors de scènes de rues, la fumerie d'opium, le goût légendaire du détail du réalisateur, le tout merveilleusement souligné par les accents mélancoliques d'Ennio Morricone, le complice musical indissociable de Sergio Leone qui se hisse encore au sommet.