Que dire, si ce n'est que ce film est un chef-d'oeuvre. De bout en bout la virtuosité de Sergio Leone me laisse sans voix ; chaque plan, chaque cadre, chaque détail à l'image fait écho à un autre, tout s'assemble, dans cette triple temporalité, l'immense édifice du souvenir, hanté par une musique somptueuse d'Ennio Morricone, et le sublime visage de Déborah dont on peut dire qu'ils forment un tout.


Ce film est énorme, colossal. Quatre heures d'images époustouflantes où chaque seconde, malgré cette lenteur contemplative et crépusculaire, compte. Sergio Leone signe son film testament, un film sur le temps qui s'étiole, sur la vieillesse, sur la mort des illusions mais aussi un film qui brasse l'ensemble de la filmographie du réalisateur : film de gangster, film romantique, presque westernien par instant. On passe du rire aux larmes, parfois avec quelques répliques bien senties comme toujours avec ce réalisateur, à des scènes grandiloquentes voire burlesques avant de sombrer dans de longues séquences contemplatives et muettes où chaque émotion est trahie par les visages. Jamais le film n'est lourd, jamais il n'est embrouillé. Il avance avec une limpidité sereine, une tranquillité virtuose, sans jamais ennuyer car rythmé par d'excellentes scènes d'actions et de tensions. Il a pour ambition de brosser un portrait de l'Amérique, formant une vaste fresque qui se cite et se fait écho en permanence, fait de parallèles historiques (prohibition face à la libéralisation des moeurs dans les années 60) en lien avec l'évolution des personnages, qui passent de l'illusion à la désillusion. Tous les vieux procédés et thèmes de Leone sont abordés : le temps qui passe, le cynisme, la désillusion, l'ironie dramatique. L'oeuvre, ainsi, est semblable à un roman fleuve, un de ces romans à la Victor Hugo, avec une farandole de personnages, de motifs et de situations qui ne font que s'entrecroiser et se répondre pour dresser le portrait d'une époque et même ici d'un siècle, 60 ans d'histoire de New-York, une frange de l'Amérique.


C'est un film de gangster, certainement un des meilleurs en la matière car Leone sait filmer l'action crapuleuse, les gueules sales et les décors crasseux. Le portrait de la mafia juive new-yorkaise est excellent. Mais d'autres films comme Le Parrain ont su brillamment parler du gangstérisme américain. Ce n'est pas là que Il était une fois en Amérique se distingue le plus. D'ailleurs j'apprécie ce genre cinématographique sans être un inconditionnel, et si je l'ai aimé c'est parce qu'il est bien plus que ça. Le gangstérisme n'est que la trame de fond d'un film dont le sujet central n'est que le temps qui passe. Pire, ce temps qui passe est un temps gâché. Noodles, le héros du film, est un personnage raté, contrairement aux Corleone du Parrain, patrons absolus de leur monde mafieux. C'est un suiveur aux motivations floues, qui se laisse porter par les événements et emporter par la violence. Sa seule lubie c'est un amour de jeunesse et toute sa vie il courra derrière, sans jamais apprendre de ses erreurs. Le film décrit ainsi une désillusion, un parcours personnel et intérieur. Sous ses airs de fresque, c'est un film mélancolique et intimiste.


L'introduction, in media res, est un sommaire de tout ce qui va suivre. David Noodles (Robert de Niro, magistral, un de ses plus grands rôles à n'en point douter) échappe à des hommes qui veulent l'abattre. Mais il a été trahi et doit fuir New-York, sa ville, sa vie, au fait de sa gloire. Nous revenons alors dans les années 60, sous l'air de Yesterday des Beatles, avec ce même personnage, vieillissant qui retrouve son ancien quartier de Manhattan où tout a changé et pourtant lui est familier. Chaque endroit revu va évoquer une scène de sa vie dans le passé, ce qui permettra au spectateur, le film avançant, de recoudre les fils.


Sergio Leone utilise avec brio l'analogie ou la madeleine proustienne. Ce film est proustien, assurément, fonctionnant sur le principe du temps perdu et du temps retrouvé, par flashback ou flashforward. Ce procédé existait dans une Il était en Amérique et Pour quelques dollars de plus, où le métronome et la musique servaient à des flash back. Ici c'est un trou dans de vieux toilettes et le personnage principal, David Noodles, se revoit, épiant depuis le même trou son amour de jeunesse, Déborah, une scène absolument magistrale, la plus belle de toute, peut-être, où par le regard jeté à travers ce trou il replonge dans ses souvenirs de jeunesse, revoyant Déborah danser et se dénuder pour lui. Tout passe par le regard, d'une rare intensité, de De Niro. Plus tard, le téléphone sonne et la sonnerie replonge David dans le passé, et se prolonge dans toutes les temporalités du récit pour les relier, montrant à quel point ces appels ont changé le cours de sa vie.


Le scénario, brillantissime, aura pris 12 ans à maturer. On comprend alors pourquoi chaque scène est aussi riche et fait écho à d'autres. Dès le début on peut connaître la destinée de Noodles, déjà par la musique avec Déborah, variante d'une chanson qui raconte l'amour impossible entre deux êtres, et par les situations avec Max, qui parvient toujours à mieux s'en sortir que lui. Sergio Leone s'est aussi appuyé sur la musique d'Ennio Morricone, que ce dernier a composé avant le tournage. La musique devient ainsi un élément sur lequel s'appuie tout le film, alors qu'habituellement c'est l'inverse, jusqu'à être intra-diégétique et interprétée par certains personnages eux-mêmes, au sifflet ou à la flûte de pan, faisant écho à ce que faisait déjà le personnage d'Harmonica dans Il était une fois dans l'Ouest. La musique résonne ainsi avec la même constance tout le long du film, devenant ainsi son liant, recousant les fils d'une narration décousue. Elle fixe à jamais les souvenirs dans notre mémoire, elle donne de l'humanité même dans la violence, elle ravive les coeurs même dans l'absence. Rarement on aura composé mieux.


Une autre qualité du film c'est son casting : les personnages enfants ressemblent incroyablement aux personnages adultes. Sergio Leone a mis des mois à sélectionner ses acteurs et on comprend pourquoi tant ils sont crédibles. Il y a une formidable continuité physique entre eux, doublé d'une continuité psychologique liée à l'écriture et à la direction d'acteur. Ainsi Déborah, sublime, que ce soit, adolescente, Jennifer Connelly, ou adulte, Elizabeth McGovern, a des mimiques de langage, parlant à Noodles comme à un enfant : "ta maman t'appelle !" Leone fait ce qu'il sait faire de mieux : des gros plans sur les visages, les yeux, les expressions, les personnages n'en ressortent que mieux.


La première partie, celle de l'enfance et de l'adolescence est pour moi la plus belle de tout le film, un film à part entière sur la misère et sur l'amour, un véritable Misérables à l'américaine - j'y reviendrais, il y a énormément de points communs entre les deux oeuvres. Le thème musical "Poverty" est dédié à cette période et résonne tout au long de cette partie, montrant le désoeuvrement de ce quartier pauvre. Le jeune Noodles, un peu lubrique, n'a d'yeux que pour Déborah, par le voyeurisme, allant dans des toilettes glauques regarder par un carreau cassé la salle d'a côté où la jeune fille danse et qui, se sachant observée, s'effeuille pour lui, renvoyant aux amours adolescentes et de jeunesses, avec toute leur beauté, leur érotisme naissant, leur semi-innocence. Puis, elle le rabroue, l'accusant d'être pervers et mal poli tout en l'aimant terriblement, bien entendu. Tout est si subtil chez Leone qu'il mêle les deux dimensions de ce couple : elle lui récite pour le séduire des vers du Cantique des cantiques tout en faisant remarquer que quelque part il n'en sera jamais digne. ""He's all together lovable" but he's always be a too bit punk. So he'll never be my beloved. What a shame." Elle est assise sur un tas de pommes, autre allusion biblique, fruit défendu, tentation du pêché. Noodles, juif fauché, dans un quartier pauvre, observe cette adolescente d'une pureté immarcescible - le terme à son importance puisqu'à la toute fin Noodles constatera que Déborah semble ne jamais se flétrir. Elle est une apparition au milieu des bas fonds, elle le juge, elle le toise, incarne celle qui pourrait le ramener dans le droit chemin et notamment religieux et moral (Déborah a ce rôle dans la Bible - il y aurait d'ailleurs toute une lecture religieuse à faire du film). Ils s'embrassent, interrompus par Max, qui plusieurs fois dans le film les interrompera de la sorte, préfigurant la domination qu'il exercera sur ces deux êtres. Max crie le nom de Noodles. "Your mother's calling you" conclura Déborah en se moquant de lui. Déborah représente l'idéal de la pureté pour Noodles, Max, l'appelle de l'aventure et de la violence, auquel il cédera toujours.


Noodles apprend la sexualité et la virilité en compagnie de ses compagnons juifs dont Max, son meilleur ami, avec lequel il forme un gang. Il fricote avec Peggy, une voisine qui se prostitue contre des charlottes aux fraises, il se dispute avec un policier corrompu qu'il finit par avoir dans sa poche. Une scène émouvante voit un de ses copains, plus jeune, acheter avec ses économies une charlotte pour Peggy, mais affamé, il finit par la manger en l'attendant. Ce n'est qu'un enfant, ce gâteau est plus alléchant pour le moment que le corps d'une femme. Le film est truffé de ces instants cruels, ironiques et tendres.


La jeune bande va se heurter à un voyou rival avec qui tout dérape et bascule dans la violence jusqu'à finir, un matin, au pied du pont immense de Brooklyn, offrant ce plan culte de l'affiche. Le rival revient et leur tire dessus, tuant le petit dernier de la bande qui s'excuse, mourant, "d'avoir dérapé", en véritable Gavroche. "Je suis tombé par terre, c'est la faute à Rousseau", aurait-il pu dire que cela ne m'aurait point choqué. On retrouve d'ailleurs une scène proche dans Les Misérables de Robert Hossein, très inspiré par le style de Leone. Noodles, de nature violente et emporté, se venge et poignarde à mort le meurtrier. Il fera douze ans de prison pour son acte.


A sa sortie, Noodles est accueilli par son vieux copain Max dans un corbillard où une jeune femme est morte, nue. En réalité c'est une prostituée qui va s'occuper du garçon. La scène est aussi loufoque que funeste, comme si la chair était triste et signifiait déjà la destinée sentimentale de Noodles, homme violent et imprévisible. Noodles est un Valjean inversé. Il va passer de voyou à millionnaire mais sans jamais apprendre de ses erreurs et sans jamais amender ses fautes. La période qui suit décrit la Prohibition et l'affirmation de Max et Noodles et leurs amis comme des mafieux régnant en maitres. Ils s'enrichissent via la vente d'alcool, symbole par excellence de l'évanescence et de l'illusion. Ils vivent dans la débauche et le luxe sans renoncer à leur truanderie. Une scène délirante se déroule dans une maternité. Pour faire chanter un officier de police, cabotin et odieux, qui menace leurs combines, ils échangent les bébés dans les berceaux et le policier se retrouve avec une fille au lieu d'un garçon. En échange de son silence, les truands s'engagent à lui restituer son fils mais en réalité ils ont oublié son numéro d'immatriculation et lui en redonnent un au hasard, symptomatique de leur vie hors sol. Leone n'oublie pas son propre style : les scènes d'action sont violentes, gores, contemplatives et stylisées comme celle des trafiquants de diamants où l'un de la bande tire dans la loupe à diamant d'un des trafiquant, ce qui lui transperce l'oeil et le crâne. Puis après une course poursuite dans un moulin, Leone fait un gros plan sur les cadavres encore fumant, histoire de. On retrouve ici sa patte.


David Noodles, enfin à la hauteur de ses ambitions, retrouve Déborah, dans une scène onirique où l'homme la traite en princesse. Le magnifique thème de Morricone résonne. Le couple danse, il lui récite le cantique des cantiques, puis dans la voiture s'embrasse, tandis que la musique, pour une fois, se tait. Déborah lui annonce qu'elle va partir faire carrière à Hollywood. C'est le rendez-vous manqué. C'est là que tout va déraper, la nature de Noodles reprenant le dessus. Il la viole, terrible scène pathétique, tragique, monstrueuse. Il tenait son rêve au bout des doigts et le gâche avec horreur, rattrapé par sa nature violente. Il court le lendemain à la gare, pour lui dire adieu, mais elle se détourne de lui, comme lorsque adolescent il s'était battu et avait voulu la voir, elle refusant de lui ouvrir, et le quitte pour toujours.


Le film n'est que cela, une succession de souvenir lié par la même vision obsessionnelle, Déborah, évoquée à l'écran par ses yeux, que Leone filme à l'envi - c'est un cinéaste de l'oeil, il adore les pupilles cristallines -, ou son thème musical, si beau, répété durant des heures. Déborah, c'est le rêve américain, et d'ailleurs son thème musical coïncide avec le thème principal du film, n'en est que le prolongement, forme un tout, comme l'était Jill dans Il était une fois dans l'ouest. La femme, dans cette trilogie, représente l'illusion qu'on croit saisir et qui, "années après années, recule devant nous. Elle nous a échappé cette fois peut-importe. Demain nous tendrons nos bras plus loin, et, un beau matin, c'est ainsi que nous avançons, barques à contre courant, sans cesse ramenés vers le passé." Ce sont les mots de Fitzgerald dans Gatsby le Magnifique qui lui aussi dépeignait la Prohibition et l'illusion du rêve américain, dans son roman incarné par la figure de Daisy. Noodles, comme Gatsby, d'ailleurs au destin trouble lui aussi - les points communs sont nombreux avec ce roman, court après Déborah avant de tout perdre. Les deux amoureux s'aiment mais jamais David Noodles ne semblera vraiment mériter Déborah, toujours happé par la violence. Déborah sera le seul personnage féminin libre du film. Elle représente un idéal de pureté. Elle ne boit pas, elle n'est jamais vulgaire, a des airs de princesse. Les autres seront toutes des prostituées ou des nymphomanes. Tout acte sexuel est dégradant, violent, dans le film sauf ce baiser du début. Elle sera la seule femme dont la pureté, bien qu'entachée par David, continuera de rayonner un peu, comme Jill dans l'Ouest. Elle est une figure sainte.


Ce film est au fond un film sur le passé qui ne passe pas, sur le deuil impossible et qu'on finit, résigné, par faire, lorsqu'on replonge dans le passé avec tendresse et nostalgie.


Il y a également des leitmotiv entre les films de la trilogie. Par exemple, le tableau de mer, visible dans le train du méchant d'Il était une fois dans l'ouest et que ce dernier ne cesse de regarder par nostalgie, s'imaginant les rivages lointains de l'océan. Dans Il était une fois en Amérique, on le retrouve dans l'hôpital, Noodles le fixe, avec ce désir de revoir lui aussi la mer - et peu de temps après il s'y rend. La mer obsède aussi Déborah qui tenait à diner dans un restaurant avec vue sur l'océan, ce que Noodles, par amour pour elle, accomplira. La mer représente un échappatoire, une évasion. Un plan, magnifique, avec Max et Noodles, à Miami Beach, montre une mer miroitante, presque un mirage. On voit Max qui rêve de braquer la réserve fédérale américaine, illusion ultime, sous un soleil scintillant. Ce plan fou, David va tout faire pour l'éviter mais c'est sans compter sur Max qui ira au bout, quitte à mourir dans une fusillade. Toute la bande sauf Noodles meurt en 1933. Lorsque David reviendra, ce sera tout le monde juif qui aura été bouleversé par la disparition du Yiddishland et par la Shoah, New-York, devenant avec Israel les nouveaux coeurs du monde juif. L'allusion à la Shoah d'ailleurs est présente dans la version longue.


L'acte final s'avère cruel. David comprend que son ami Max n'est pas mort dans une embuscade comme il le croyait et qu'au contraire il a volé son argent, son amour et ses rêves. Toute sa vie Noodles, aura perdu ses illusions. Il aura finalement vieilli. "Qu'est ce que tu as fait durant toutes ces années ?" lui demande Fat au début du film, un de ses vieux amis d'enfance, un des rares encore en vie. "Je me suis couché tôt", lui répond David, phrase on ne peut plus proustienne : "longtemps je me suis couché de bonne heure". 30 ans d'exil forcé pour rester en vie ont rendu Noodles plus raisonnable. Il a vieilli. Il revient donc sur sa vie, sur son passé, dans le quartier où il a grandi. Car c'est cela, peut-être le grand thème de cette oeuvre testamentaire, la vieillesse, le temps qui passe. Les horloges, les montres, les sonneries, tout dans ce film exagérément lent, tente de nous rappeler le temps qui coure et comment désespérément on tente de le rattraper. On voit New-York qui évolue, se transforme, avec une photographie dont la couleur varie selon, l'époque et toujours des symboles funestes, des cercueils, des cimetières, des mausolées, pour montrer que la finalité de toute chose est là. On oubliera pas aussi tout ce brouillard, ces fumées, réitérations du motif de la fumée d'opium, comme si tout y ramenait, qui ne sont que les incompréhensions de Noodles sur sa propre existence. Noodles est un raté. Il est passé totalement à côté de sa vie, bercé d'illusions terribles, et voir un héros autant mis en échec est une douleur pour le spectateur, surtout au bout de quatre heures.


A la toute fin, il retrouve Déborah, devenue actrice, fardée comme pour masquer sa vieillesse. Elle a des airs de statue, elle n'a pas changé. Déborah ment, elle n'ose se dévoiler auprès de son vieil amour. Mais, plus la conversation avance, plus elle est poussée à révéler la vérité, sa relation avec un sénateur, qui n'est autre que Max, tandis qu'elle laisse apparaitre son visage. La mise en scène frôle la perfection, montrant la désillusion des personnages et leur vraie nature. Pire, David comprend qu'elle a peut-être eu un fils avec elle car lorsqu'il quitte la loge de l'actrice il tombe face à lui, il s'appelle aussi David, il lui ressemble, sans que l'on sache exactement la vérité. D'ailleurs Sergio Leone laisse beaucoup d'éléments troubles ou ambiguës pour le spectateur, vapeurs et fumées, là encore.


La scène finale est d'une cruelle ironie. La vie de David est une vie ratée, ratée par sa violence et son incapacité à bien agir ou réagir, gâchée par la prison et l'exil, trompé et trahi par son meilleur ami Max qui lui vole son argent, sa réputation et son amour. Mais Noodles ne se venge pas. Il voit que les autres non plus ne sont pas heureux. Max, sénateur, accusé de corruption, tête mise à prix par la pègre, semble se suicider en sautant dans un broyeur à ordure. Il retourne dans le caniveau qui la vu naître. Déborah restera "mademoiselle", vedette riche et solitaire. Noodles, lui, n'est pas si malheureux. L'hymne God Bless America retentit, comme lors de la fin de la Prohibition. Tout se fait écho. La boucle est bouclée.


Je ne sais pas si on mesure la chance qu'on a d'avoir eu un tel film, vu son contexte de production, son montage honteux par les studios américains, ses versions successives, avec un tel alignement de planètes, que ce soit pour la musique, le scénario, les acteurs. Sans parler du sujet, dans notre époque moderne si sensible, qui ne passerait peut-être plus sur grand écran sans interdiction -18 voire pire, comme une scène de viol, des scènes de sexes violentes, des meurtres brutaux, l'érotisation et le dénudement d'une mineure, sans oublier une durée prodigieuse de près de 4 heures. Sergio Leone faisait des films avec une liberté absolue.


De ce film total, brassant tous les styles et les genres, de l'humour à la tragédie, du thriller à la romance, de cette fresque monumentale, où une scène intime résonne avec un vaste plan séquence en pleine rue, où une course poursuite succède à une scène loufoque, je retiens je crois, d'abord, la merveilleuse esquisse de l'enfance et cette magnifique et tragique histoire d'amour. Déborah. Ce nom me hantera désormais, symbole presque légendaire de l'amour impossible, incarnée par deux femmes à la beauté angélique, une beauté, qui dans le monde noir et crasseux de Sergio Leone ne fait que ressortir, une beauté quasi mariale, une odeur de sainteté, symbolique toute italienne et chrétienne. Peut-on tomber amoureux d'un personnage de cinéma ? Ce n'est pas là que je pensais voir Leone briller, mais c'est là que je l'ai découvert à son meilleur.


On retrouve Noodles en 1933, comme au début du film, dans sa fumerie d'opium, prenant des bouffées de drogue, tandis que le thème de Déborah résonne et s'élève avec la fumée au dessus de lui. Tout ce film n'était peut-être qu'une illusion, la fantasmagorie des amours mortes, fomentée par les vapeurs d'opiacés. Mais qu'importe. Les souvenirs remontent une dernière fois, le temps comme retrouvé. Il sourit.

Tom_Ab
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le 20 janv. 2020

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Tom_Ab

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