Après avoir aimé Winter Sleep et adoré les Climats je regarde Il était une fois en Anatolie que j'avais boudé à sa sortie car j'avais détesté Trois Singes. Et j'ai eu tort, c'était très bien.
C'est un film visuellement absolument magnifique, avec une lumière sublime, un cadrage parfait, ce qui fait que malgré sa longue durée, plus de deux heures trente, le film passe plutôt bien. Il y a toujours quelque chose à voir dans ces immensités quasiment désertiques de la Turquie. On voit que Ceylan aime son pays, aime ses paysages et surtout il sait les mettre en valeur comme personne, il a un sens esthétique à toute épreuve. Franchement, une bonne partie du film se passe de nuit, où les seuls éclairages viennent des phares de voitures et il arrive à rendre ça d'une beauté folle.
On suit donc une enquête policière, très longue, très lente, on suit des policiers chercher quelque chose, on ne saura pas tout de suite quoi, mais on se doute. On les voit donc arpenter les champs, de nuit, craquer, discuter, fumer... Et c'est là que le film fait fort, il arrive à mêler la trivialité des conversations de gens qui s'ennuient en attendant qu'un type veuille bien dire où il a caché quelque chose et un côté bien plus profond, bien plus philosophique. C'est le mélange des deux qui fait la force du film.
D'ailleurs c'est une de leur discussion qui peut sembler banale sur la femme d'un ami du procureur qui est morte quelques jours après avoir accouché qui prendra finalement de l'ampleur jusqu'à arriver à un sursaut tragique absolument terrible. Toutes ces discussions, tout ces non-dits, tous ces aveux à demi-mots permet de donner un cœur aux personnages et donc au film. Surtout que c'était bien casse gueule, car jusqu'à la dernière demi-heure on suit quatre ou cinq personnages, introduits quasiment tous en même temps, sans qu'un tire la couverture plus à lui... Et Ceylan arrive parfaitement à jongler entre le commissaire, le docteur, le procureur, les policiers et le criminel, notamment grâce à de longs plans fixes sur les visages abîmés par la vie des personnages et encore une fois à la qualité des dialogues.
Cependant il faut malgré tout dire qu'une fois le jour venu, sans être ennuyant, le film perd un peu en intensité, notamment après une scène juste sublime où la fille du maire du village où les policiers se sont arrêtés pour se reposer, propose du thé aux invités... Éclairée uniquement avec une lampe à pétrole, la scène est juste sublime et permet dans un silence quasiment complet de proposer des gros plans sur les personnages endormis réveillés par la beauté de la jeune femme. Sans doute la plus belle scène du film.
D'ailleurs le lendemain un personnage ne pourra pas s'empêcher de dire que la fille était belle... Aucun personnage ne réagira à cette phrase, mais on voit leur mine fatiguée, ce qui veut tout dire.
Vraiment, c'est un grand film et d'une immense beauté.