La préséance des générations.
Avant de réinventer le film de sabre chinois, Tsui Hark, celui qu'on a surnommé sans doute un peu vite le Spielberg chinois, s'attaque au film de kung-fu avec « Il était une fois en Chine ».
Là où il explosera tout pour sa relecture du wu xia pian (relançant et enterrant le genre du même coup; si ce n'est déjà fait, cours lire la bafouille de l'ami Zeubi : http://www.senscritique.com/film/The_Blade/critique/22698664) avec « The Blade », pseudo remake de « La Rage du tigre » de Chang Cheh, en s'appropriant la grammaire du genre pour y insuffler sa verve hallucinante, offrant un traitement plus brut et sauvage que les hymnes crypto-gay de l'ogre de la Shaw Brothers, le génie hong-kongais habillera son hommage/reboot d'un profond respect (et de quelques touches d'humour). Et ce, même si les combats sont câblés à tout va, le reste, de la reconstitution historique méticuleuse à la forme au classicisme étonnant, le trublion bridé offre à son film (et au moins au suivant) : un écrin qui brille de mille feux.
1875, la Chine s'ouvre au monde, voyant débarquer des étrangers qui apportent, avec eux, leurs coutumes, leurs religions, leur armes et leurs maux. Wong Fei-Hung, instructeur de l'armée du drapeau noir (milice chinoise résistant aux diables blancs), médecin et maître es arts martiaux tente, tant bien que mal, de concilier respect des valeurs ancestrales et modernité coloniale.
Wong Fei-Hung, c'est Tsui Hark, ni plus ni moins.
Comme cette scène pré-générique, voyant le Maître Wong/Hark et son esprit chevaleresque poursuivre la Danse du Dragon interrompue par ces Français, symboles de la modernité aveugle et sourde, pleins d'irrespect, tirant sur l'autochtone après avoir confondu les explosions festives de pétards avec des tirs ou ces musiciens chinois (Hark encore) qui jouent plus fort pour couvrir les Alléluias des missionnaires (le reste du monde).
Que Tsui joue aux ombres chinoises, comme Tante Yee caressant le Maître sur un mur, entre mépris, humiliation et monde voué à changer, qu'il pose devant tes yeux ébahis des joutes en grands angles, sous la pluie, ou pas, il nimbe le tout d'un rythme loin du frénétisme qu'on lui connaît et ça lui va plutôt bien.
Les combats sont extraordinaires. Yuen Woo-Ping, touché par la grâce, trouve en Jet Li (boutonneux mais énorme) un artiste merveilleux, capable de prouesses de dingue et c'est essoufflé, forcément que tu manges ce film dans ta face.
Comme moi, après avoir ingurgité les deux premiers volets à la suite, qui décidais à l'époque de devenir moine Shaolin.
Djieke.
(qui, quelques années après, s'il n'en a pas la souplesse ni la légendaire sagesse, a au moins une jolie coupe de moine Shaolin).
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