Depuis Per un pugno di dollari, il y a toujours une part d'émotion plus ou moins grande dans le cinéma de Sergio Leone alors qu'il met en scène un monde violent et brutal, ce qui se ressent encore plus lorsqu'il tourne son dernier western, Giù la testa, où une touchante mélancolie va s'inviter à un chapitre historique sanglant.
C'est d'abord une épopée et aventure humaine que propose Sergio Leone avec Giù la testa, axant son récit sur l'émotion, la mélancolie ainsi qu'une dimension forte et particulière, oscillant entre burlesque et dramatique, jusqu'à être bouleversante à diverses reprises. Au delà de la thématique donnant le titre français au film, celle du souvenir est ancrée dans le scénario, et principal vecteur d'émotion de l'oeuvre, toujours bien utilisée sans être dans l'excès, et lui donnant sa touchante mélancolie.
Dans cette fresque, Sergio Leone dépeint la nature humaine avec autant de haine que de bienveillance, soignant ses deux protagonistes où la camaraderie puis l'utopie vont être au cœur de cette relation d'abord houleuse, avant qu'il ne met en avant les pires défauts de la nature humaine, à l'image de la cruauté, la violence ou encore la folie et l'attirance du pouvoir. Il y a une vraie fatalité dans Giù la testa, ainsi qu'une désillusion autour de cette thématique, à l'image des trahisons, que ce soit en Irlande ou Mexique. Sergio Leone capte parfaitement ces sensations, n'ayant pas besoin de mots pour le faire, les regards des comédiens et/ou la musique d'Ennio Morricone suffisent amplement.
Cette fresque se révèle aussi parfaitement construite, avec d'abord la rencontre, puis la révolution prenant de plus en plus de place, que ce soit dans l'avancement de l'histoire ou les idéologies des personnages. C'est d'abord houleux, mais aussi burlesque, comme en témoigne la première partie, avant que Leone ne fasse intervenir la mélancolie puis la dramaturgie, liée aux violences humaines puis réactions de nos deux protagonistes. Les évolutions de ces deux derniers sont d'ailleurs passionnantes, notamment celui de Miranda, d'abord opportuniste et privilégiant sa famille, avant de voir les idéaux de Mallory déteindre sur lui.
Leone parvient à créer une véritable alchimie dans cette relation, alternant les tons et approfondissant peu à peu les personnages, tout en laissant planer un parfum mystérieux autour d'eux. Giù la testa se révèle être un petit bijou d'écriture, tant dans les personnages que les dialogues ou thématiques, à l'image de ses allusions au fascisme, l'opposition entres les classes sociales ou encore sa façon d'inclure un peu de bouffonnerie et de folklore à cette épopée, sans jamais lui faire perdre sa dimension dramatique.
Le cinéaste italien parvient aussi à parfaitement bien exploiter le cadre de son film, tant celui historique que géographique, et on se retrouve plongé en pleine terre âpre et violence, ce que l'on retrouve aussi dans le graphisme tandis que sa réalisation (aussi sublimée par une photographie faisant ressortir la poussière et la chaleur des paysages mis en scène), au plus près des personnages, est remarquable et fait ressortir toutes les sensations. Il se montre plutôt habile pour alterner les genres, alors que l'ironie est aussi au cœur du récit, accompagnée d'une certaine tendresse, à l'image dont il peint les deux protagonistes.
Bien des séquences en deviennent mémorables (le final, le passage dans le train où Miranda est face au gouverneur, les retours en Irlande ou encore l'attaque de la banque ou la rencontre entre les deux protagonistes), et on le doit aussi à un Ennio Morricone en très grande forme. Il propose une partition adéquate à l'atmosphère et vecteur d'émotion, sachant se montrer mélancolique lorsqu'il le faut. Enfin, l'œuvre ne serait pas grand-chose sans ses comédiens, tous parfaits que ce soit les seconds ou premiers rôles.
Effectivement, Rod Steiger est de plus en plus touchant en roublard dont on va peu à peu découvrir le véritable cœur, et dont le duo avec James Coburn est remarquable, ce dernier, tout en justesse et émotion, campe mémorablement un homme toujours rattrapé par son passé, et propose tout un panel d'émotion, allant du rire aux larmes en passant par de superbes piques comme en témoigne son fameux Duck, you sucker !.
Après Giù la testa, Sergio Leone ne fera plus que C'era una volta in America, et pour son adieu au western, il propose une œuvre bouleversante, où la mélancolie et l'amitié vont venir se mêler à une révolution sanglante et meurtrière, avec un maître italien peignant des tableaux avec une rare justesse et émotion, sublimant ainsi les partitions d'Ennio Morricone, James Coburn ou encore Rod Steiger.