Gros plan sur un jet d’urine, incartade tout aussi bouffonne que transgressive, l’ouverture d’Il était une fois la Révolution donne le ton d’une satire grossière du western zapatiste : l’introduction d’un péon outrageusement moqué et méprisé qui reprend sa revanche sur la bourgeoisie.
D’un naturel anarchiste et méfiant des idéologies politiques, Sergio Leone n’a jamais apprécié la propagande du genre. S'il en reprend les codes pour mieux les parodier, à l’image de son travail sur ses précédents westerns en opposition aux westerns américains, le réalisateur romain réinvente le genre pour y exprimer sa propre vision du monde.
Empruntant un esthétisme proche d’un Peckinpah qu’il a longtemps fantasmé à la réalisation, ce conte politique décrit l’ascension d’un simple péon, petit brigand devenant un symbole du mouvement révolutionnaire mexicain. Comme pour ses précédents films, Leone s’amuse à en détourner les codes pour en réécrire sa propre mythologie. Loin de l’idéalisation révolutionnaire propre aux cinéastes de gauche italiens, Leone décrit une histoire profondément pessimiste, où la légende naquit du caractère opportuniste d’une simple rencontre d’un brigand fataliste face à un révolutionnaire irlandais désabusé.
A l’image de sa pré-production mouvementée qui ne devait pas faire de Leone son réalisateur, il est incontestable que ce faux western n’est pas exempt de certains problèmes de rythme ou d’un message politique bien trop appuyé. Il n’en reste que le maître romain imprime sa patte cinématographique sur son film, avec un souffle baroque et un désenchantement du combat politique très déroutant.
A l’image du Guépard de Visconti où la révolution n’incarne qu’une façade de changement, c’est l’homme du peuple mexicain chez Leone qui donne une leçon de réalisme à l’intellectuel irlandais : « Ceux qui savent lire dans les livres vont voir ceux qui ne savent pas lire dans les livres et disent aux pauvres : "nous allons faire du changement" et les pauvres bougres font le changement. Après ça, les plus malins de ceux qui savent lire s'assoient à une table et ils parlent et ils mangent et ils mangent et ils parlent, et pendant ce temps-là, qu'est-ce qu'ils font les pauvres bougres ? Ils sont morts ! »
Reste de ce récit épique, de cette balade poétique du désenchantement, un chef d’œuvre de nihilisme politique, et l’une des plus grandes œuvres sur la démythification des propagandes révolutionnaires.
Un film qui pourrait se résumer par Sergio Leone lui-même avec la citation suivante : « Quand j’étais jeune, je croyais en trois choses : le Marxisme, le pouvoir rédempteur du cinéma, et dans la dynamite. Aujourd’hui, je n’ai foi que dans la dynamite. »