Et vous, c’est laquelle, votre musique préférée de Michel Legrand ? Et votre chanson préférée ? Toi, c’est la musique inoubliable d’Un été 42. Et puis la reprise aussi, chantée par Legrand lui-même, des Moulins de mon cœur. Et puis la chanson du générique d’Il était une fois... l’espace. Et puis Legrand a composé la musique, mésestimée à mort, d’un James Bond, certes le non officiel (Jamais plus jamais), mais un James Bond quand même (et un réussi en plus). Alors oui, bien sûr, il y a Les demoiselles de Rochefort et Les parapluies de Cherbourg, il y a Yentl et Peau d’âne, mais Legrand finalement a su nous accompagner (et nous accompagne encore) dans nos vies avec n’importe laquelle de ses œuvres tant elles sont flamboyantes et intemporelles. Il suffit ainsi d’écouter ce duo avec Nana Mouskouri pour se dire que tout va bien, pour qu’on ait envie de swinguer, de se déhancher.
David Hertzog Dessites souhaitait, depuis longtemps, rendre hommage à Legrand qui, directement et indirectement, l’a accompagné lui aussi toute sa vie (ses parents par exemple se sont rencontrés en allant voir L’affaire Thomas Crown). Pendant deux ans, il a filmé Legrand jusqu’à son ultime concert à la Philharmonie de Paris en décembre 2018 (Legrand mourra un mois plus tard, le 26 janvier 2019, à 86 ans). Hertzog Dessites entrelace ainsi plusieurs lignes directrices qui racontent Legrand. Celle le montrant lors de différentes répétitions ou concerts tout autour du monde, et celle, à travers de nombreuses images d’archives, revenant sur sa vie, son enfance, sa formation, son travail, son héritage musical et ses nombreuses collaborations avec d’autres artistes (Jacques Demy en particulier : en faire l’impasse était évidemment inconcevable).
Le portrait est foisonnant. Legrand apparaît comme un créateur insatiable, en recherche constante, passionné de jazz (dont il tomba amoureux, pour toujours, lors d’un concert du trompettiste Dizzy Gillespie), pianiste et mélodiste hors pair, chanteur, arrangeur, chef d’orchestre, exigeant, difficile (c’était un autre temps où le génie excusait les comportements tyranniques, et qui ne passerait plus aujourd’hui), et éternellement habité par une âme d’enfant. On pourra regretter l’aspect un peu sage de la forme qui se contente d’alterner vidéos et photos d’archives, témoignages face caméra et extraits de films, et à laquelle il manque ce grain de folie qui, constamment, semblait animer Legrand. Mais qui donne malgré tout l’envie furieuse de revoir ces films que sa musique, comme dans nos vies donc, a accompagné avec éclat et maestria.
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