Ce film marquait les retrouvailles de 2 vieux complices, Noiret et Rochefort. S’ils ont souvent eu l’occasion de jouer dans des films ensemble (« Que la fête commence »…), on les a assez peu vus en simple duo (« L’horloger de Saint Paul » par exemple). Ce film a été réalisé en 1980 par Laurent Heynemann et on est dans le monde de l’espionnage. Athanase (Noiret), chef d'un groupe de contre-espionnage ultra secret, « Le Hangar », se voit confier la mission d'exécuter Birgitt Haas, une ex-terroriste allemande, sans qu’on sache pourquoi alors qu’elle n’est plus en activité ni les crimes qu’elle a pu commettre, pour quelles raisons est-ce à la France de s’en débarrasser ? Voilà une des questions auxquelles on n’aura jamais de réponse. On en est réduit à des hypothèses concernant les véritables motivations des commanditaires qui semblent vouloir faire endosser à cette femme retirée de quelconques activités révolutionnaires la responsabilité de futurs attentats préparés par des terroristes aux valeurs totalement opposées aux siennes. Les espions allemands préfèrent que ce soient leurs homologues français qui s’en occupent afin de n’avoir aucune retombée. Un nouveau-venu dans le groupe, Colonna (Bernard Le Coq), suggère de camoufler l'exécution en crime passionnel en jetant dans les bras de Birgitt un individu qui portera le chapeau une fois le meurtre accompli. Colonna suggère pour ce rôle Bauman (Rochefort), un pigeon parfait, sans emploi et dépressif, n’acceptant pas que sa femme l’ait quitté, il a même des tendances suicidaires et vit financièrement aux crochets de sa mère et même de son ex-femme qui le dépanne. Rochefort campe un superbe Bauman, se définissant auprès de Birgitt comme « un pauvre type, médiocre », cultivé mais usé par la vie, incapable de garder un emploi longtemps et qui voit dans sa rencontre avec Birgitt une véritable renaissance.
Laurent Heynemann, ancien assistant de Bertrand Tavernier sur ses premiers films (c’est à cette occasion qu’il se prendra d’amitié pour Philippe Noiret et Jean Rochefort dès « L’horloger de St Paul »), devient réalisateur en 1977 avec un film sur la guerre d’Algérie, « La Question ». Les questions politiques continueront d’être au premier plan de beaucoup de ses films suivants dont celui-ci. Juste avant, Heynemann avait signé le très bon « Le Mors aux dents » sur une escroquerie politique montée dans les milieux hippiques avec en têtes d'affiche Michel Piccoli et Jacques Dutronc. Dans les décennies 80 et 90, on retiendra encore « Les Mois d’avril sont meurtriers » avec un Jean-Pierre Marielle époustouflant ou « Faux et usages de faux » avec de nouveau Philippe Noiret. Heynemann a bien plus travaillé pour la télé que le cinéma, réalisant par exemple en 2021 un excellent « Laval, le collaborateur » joué par Patrick Chesnais. Un réalisateur et un film un peu injustement oubliés aujourd’hui et qui méritent pourtant d’être redécouverts, un très bon film d’espionnage où Athanase finit par se prendre d’amitié pour Bauman, servi par un excellent casting (Lisa Kreuzer, Bernard Le Coq, Michel Beaune…), la musique de Philippe Sarde, une réalisation efficace et un suspense solide tenu jusqu'au bout. Un peu tombé dans les oubliettes, ce film avait connu un joli succès à sa sortie (Alain Corneau en avait fait alors l’éloge). A noter que c’était Patrick Dewaere qui était au départ prévu pour interpréter Bauman ; en revoyant le film, on peut imaginer ce que ça aurait donné et ça aurait été forcément très différent.