Les oscars approchent et les films nominés déferlent sur nos écrans. Après l'académique et lisse "Une merveilleuse histoire du temps", place à nouveau à un biopic consacré à un homme hors du commun et méconnu, Alan Turing. C'est un mathématicien et cryptologue, qui se lance à l'assaut d'Enigma, une machine utilisée par les nazis pour donner des ordres en codés. Il va s'atteler à craquer les codes et mettre au point, l'ancêtre de l'ordinateur, avec "Christopher".
C'est dans l'Angleterre de 1938, qu'un mathématicien de génie, Alan Turing (Benedict Cumberbatch) est chargé, au sein d'une équipe d'autres cerveaux, de décoder Enigma, une machine nazi. Mais c'est aussi un homme froid et hautain, dénué d'empathie, qui va avoir du mal à travailler avec ses collègues. Par la grâce de la présence de Joan Clarke (Keira Knightley), il va faire preuve de sociabilisation et mettre son projet au point, une machine capable de battre Enigma.
Le film à oscars par excellence, mais là ou "Une merveilleuse histoire du temps" échouait à nous faire pénétrer dans l'intimité et l'esprit de Stephen Hawking, en faisant preuve d'un classicisme soporifique. Imitation Game nous émerveille, par son histoire, son humour et un casting ou brille un Benedict Cumberbatch exceptionnel, qui mérite sa nomination à l'oscar, comme Keira Knightley.
Dès son apparition, Benedict Cumbertach installe son personnage, un cousin pas très éloigné de son Sherlock Holmes, du moins, en apparence. Il est de premier abord détestable, mais grâce à un humour "so british", il réussit à susciter l'empathie chez le spectateur. Il faut dire que ses joutes verbales avec Rory Kinnear, Charles Dance, Mark Strong, Matthew Goode, Allen Leech et enfin Keira Knightley sont superbement écrit. Mais surtout, ses "adversaires" sont aussi d'excellents acteurs, qui joue dans la même cour que lui, ne se laissant jamais écrasé par la suffisance et la grandeur de son personnage.
L'humour anglais permet de désamorcer les moments dramatiques, sans pour autant effacer les enjeux et la réalité de cette seconde guerre mondiale, qui affecte certains de ces hommes. On ne perd pas de vue, l'objectif de départ, sans vraiment nous expliquer le fonctionnement de cette machine révolutionnaire. Mais le film ne parle pas uniquement de cela. Au travers de cet homme, de cet oublié de l'histoire, qui a permis de réduire la durée de la guerre de 2 ans et donc de sauver des vies, cela raconte aussi la sienne.
Le film entremêle trois périodes de la vie d'Alan Turing : son enfance au pensionnat, l'élaboration de la machine et son arrestation. Grâce à un excellent travail de montage, on ne perd jamais le fil des différentes histoires. Puis, il y a cette musique entêtante d'Alexandre Desplat (bien meilleur que pour "Invicible", un autre biopic académique), qui donne le rythme à l'histoire, proche d'un thriller, surtout durant la période se déroulant à Bletchley Park.
Benedict Cumberbatch se retrouve dans un rôle proche de celui de Sherlock Holmes, mais là ou ce dernier reste dans l’ambiguïté, en refrénant ses émotions. Celui-ci va explorer les douleurs de son personnage, le mettant à nu, en affichant ses faiblesses. Elles sont furtives, elles apparaissent au détour d'une claque, ou lorsqu'on tente de s'en prendre à Christopher. L'homme a ses fissures, mais surtout sa blessure, qui ont fait de lui, un homme à part. Sa différence fait peur, car l'homme a souvent peur face à ce qu'il ne peut comprendre, ou ne cherche pas à comprendre. Il est plus facile de faire le mal, que le bien. C'est le constat difficile que fait Alan Turing, ce qui va le rendre insensible, pour ne plus souffrir, face à ce monde, qui le rejette. "Parfois, ce sont ceux dont on attend rien, qui font les choses auxquels nul ne s'attend" tel est sa mantra, qu'il transmet aux autres et dont ils vont aussi se servir, pour lui remettre les idées en place.
C'est dans une Angleterre d'un autre temps, ou une femme ne peut travailler seule avec un homme, ou l'homosexualité est considérée comme un délit et donc passible de prison. Que le couple Benedict Cumberbatch et Keira Knightley évolue, ce sont deux personnages à part, ils se comprennent et s'apprécient pour cette raison. Ils sont en avance avec leur temps et le film aborde avec justesse, la difficulté d'être une femme, comme d'être homosexuel, à cette époque.
En ne se consacrant pas seulement à l'élaboration de la machine, en racontant la vie d'Alan Turing, de ses petites histoires au sein de la grande histoire. Le film reste passionnant du début à la fin, tout en nous émouvant, à travers ses personnages attachants, sans oublier de faire preuve d'humour et de subtilités.
Avec 8 nominations aux oscars, le film était attendu et il ne déçoit pas. Même s'il fait preuve de facilités par moments, ou tente d'offrir d'autres trames, comme l'espion à la solde des soviétiques. Il n'en reste pas moins un excellent divertissement et échoue de peu, à devenir un grand film.