Film Normal Pour Personnage Hors Norme
Imitation Game est un film qui a pour premier et principal mérite le sujet dont il traite, à savoir le personnage même d'Alan Turing. Génial inventeur et précurseur de l'informatique et des ordinateurs, mais aussi décrypteur de premier ordre, il est celui qui a craqué le code de chiffrage des messages Allemands lors de la seconde guerre mondiale : le fameux Enigma. A n'en pas douter, ce bonhomme pourtant peu connu a changé la face du monde comme le film se plaît à nous le rappeler, non sans lourdeurs parfois.
Pour sûr, un film de deux heures pour retracer la vie de Turing, ce n'est pas suffisant, et on peut mettre au crédit du film de Morten Tyldum sa réussite à se concentrer sur le seul épisode de la guerre tout en évoquant d'autres aspects comme la jeunesse du personnage ou encore sa condamnation pour homosexualité à la fin du film. Autre point éminemment positif, le jeu des acteurs : Benedict Cumberbatch au sommet de sa forme, qui réussit de plus à différencier ce rôle de celui de Sherlock, ce qui est un écueil dans lequel il aurait facilement pu tomber. J'aimerais également citer la pléthore de seconds rôles tous excellents: de Keira Knightley à Mark Strong, avec ma mention spéciale à Matthew Goode dans le rôle du rival-mais-néanmoins-ami-mais-quand-même-pas-trop de Turing, tous contribuent parfaitement à l'ambiance du film.
Mais ce film possède deux gros défauts : en premier lieu, la réalisation. Celle-ci est d'un classicisme extrême - ce qui n'est pas un défaut en soi - mais ce qui conduit à un nombre de clichés scénaristiques assez énorme qui font tâche dans un Biopic. Ce qui ont vu le film savent de quoi je parle.. Deuxième problème : le film n'arrive pas à situer ses enjeux. On en est à se demander quel est le message, s'il y en a un, à l'image du carton final qui tente de brasser tellement d'idées avec une telle lourdeur que c'est est presque gênant.
On peut dire que la matière de base est la source de ce problème : la vie de Turing est tellement dense et fait écho dans tellement de domaines que c'est dur de faire le tri. Et si j'ai dit que le film arrivait à faire la part des choses, c'est surtout vrai au niveau chronologique, car au niveau des concepts, tout est assez mélangé et confus : le génie sociopathe (au niveau des clichés..), son homosexualité, ses traumas d'enfance, son travail pendant et après la guerre etc.. Du coup, certains passages émotionnels se perdent dans le maelström, par exemple le passage où les personnages décident de sacrifier un convoi de navires dans lequel sert le frère de l'un des membres de l'équipe. Le passage est bien fait, la confrontation entre le pragmatisme du choix et les conséquences, mais sa conclusion laisse de marbre et la nécessité d'enchaîner est telle que l'on oublie tout deux plans plus tard, tant le spectateur que les personnages. Même problème pour la fin, qui peut paraître torpillée (sans mauvais jeux de mots) et manque de puissance.
En somme, le film se perd quelque peu dans son sujet et ne parvient pas vraiment à faire ressentir une émotion particulière, mais le travail des acteurs et l'intérêt historique du sujet le rendent quand même intéressant à regarder. Devant l'ampleur d'Alan Turing, le film fait ce qu'il peut, et c'est déjà pas mal..