Impitoyable débute et se construit par un acte de violence totalement gratuit, celui d'une défiguration d'une prostituée, poussant Clint Eastwood à sortir de sa retraite pour juger lui-même des malfrats qui l'ont mal été par les pouvoirs en place.
Impitoyable n'est pas simplement le seizième film du géant américain, mais une oeuvre crépusculaire, peut être le dernier grand western dans le sens classique et ayant une résonance assez forte par ce qu'il évoque. Clint revisite son propre mythe et surtout s'attaque à une violence profondément ancré dans l'âme humaine et dans la société, allant jusqu'à la justice et la différence de traitement entre divers êtres. Evidemment, on ne peut que faire le rapprochement avec la société américaine, et l'oeuvre prend encore tout son sens aujourd'hui, peut être même plus que jamais auparavant, et on peut d'ailleurs retrouver cet aspect-là dans une grande partie de la filmographie d'Eastwood, lui l'humaniste.
Il démontre une vraie force pour s'attaquer à ces thématiques, sachant les doser et parfaitement les distiller au sein d'une oeuvre aussi bien écrite qu'elle est mise en scène. Les personnages sont particulièrement intéressants, tout comme les oppositions que Clint va mettre en place, notamment entre lui et le shérif, tous deux symboles de cette violence parcourant leur âme, qu'elle soit gratuite ou en cours de rédemption. Pourtant, la violence n'est pas vraiment graphique, les tirs sont souvent lointains et on apprend qu'un homme est touché uniquement. Les personnages secondaires ne sont pas négligés, à l'image des compagnons de route de l'ex-acteur favori de Don Siegel et Sergio Leone, à qui il dédie ce film et dont on ressent tout l'héritage, participant à la dramaturgie mise en place, et aux sensations découlant de l'oeuvre, notamment la mélancolie et une certaine émotion, à l'image du rapport avec les prostitués.
Le metteur en scène sortant d'années 1980 plus ou moins mitigé revient ici à son meilleur niveau, et propose une ambiance particulièrement sombre et crépusculaire, totalement prenante et souvent triste. Plusieurs séquences en deviennent mémorables, à l'image du final, et il démontre tout un savoir-faire technique et de maîtrise de sa caméra, filmant souvent des remarquables et inoubliables plans pour mieux sublimer un contexte attirant. Les comédiens sont d'ailleurs parfaits, que ce soit Eastwood en ex-tueur devenu misérable fermier et dont la vieillesse se ressent (et on peut le voir comme une évolution de l'homme sans nom), cherchant à conserver son humanité et venger les victimes d'un impitoyable et froid Gene Hackman, comme toujours génial.
Entre tueurs vieillissants, femmes avilies, atmosphère sombre, froide et crépusculaire, humour sarcastique ou encore démystification, Clint Eastwood livre un remarquable et inattendu western, avec un réalisme fort et des comédiens remarquables, évidemment dédié à Sergio et Don.
Clint Eastwood est grand, très grand.