In Another Country par Patrick Braganti
Le cinéma du sud-coréen Hong Sang-soo est de plus en plus facilement identifiable : même type de personnages dont l’activité est en rapport avec justement le cinéma, ne crachant pas sur l’alcool (le fameux soju, le spiritueux national) et se débattant enfin dans les affres de l’amour. C’est un cinéma apparemment et faussement simple, presque minimaliste, où pourtant les détails et les infimes variations ouvrent des perspectives sans cesse renouvelées. In another country en est l’exemple idéal puisqu’il est en fait constitué de trois histoires différentes, avec des ressemblances et des recoupements, des plans quasi identiques. Isabelle Huppert, actrice délocalisée pour l’occasion, joue trois rôles successifs, en fait une femme étrangère au pays, vivant trois stades dans un parcours amoureux. Dans cet endroit où manifestement il n’y a rien à faire, elle va néanmoins vivre des expériences inédites d’où ressortent la figure récurrente d’un maitre-nageur, le motif dérisoire d’un phare, l’attraction touristique du coin, la rencontre mystérieuse avec un moine plein de bon sens. C’est à la fois léger et drôle, et l’actrice française abandonne ses afféteries habituelles, paraissant très à l’aise dans cette triple composition qu’elle réussit à différencier par de petites touches imperceptibles : tenue vestimentaire, sac à main et chaussures, façon de marcher – et on marche beaucoup, le long de la plage et dans les rues de ce qui semble bien être un lieu de villégiature (référence probable au très beau Woman on the Beach). La figure du trio, chère au réalisateur de Oki’s Movie, est à nouveau omniprésente, multipliant les possibilités et les sources d’ambiguïté, donc de jalousie et de malentendu. In another country est un film qui invite à la flânerie et à la rêverie. Il faut donc accepter de se laisser bercer pour mieux pénétrer dans cette atmosphère à la limite du surréalisme et de l’onirisme.