In Another Country par MaximeAntony
De la même manière qu’on reconnait un film de Woody Allen entre mille, In Another Country ne pourrait être le fruit d’un autre. Hong Sang-soo et Woody Allen se ressemblent d’ailleurs en quelques points. Ils tournent tous les deux dans leurs lieux familiers, ils abordent la relation amoureuse et le couple avec une même légèreté de ton et une même finesse d’humour. Ils produisent également beaucoup, digressant à l’infini sur le même thème. Leurs films ne sont ni tout à fait les mêmes ni tout à fait étrangers. Tous deux attachés à la croyance qu’un supplément d’âme, une surcouche s’imprimerait par-delà leur propre volonté à force de répétition. Peut-être quelque chose s’apparentant au coefficient d’art de Marcel Duchamp.
Dans In Another Country, on retrouve les traits caractéristiques du cinéma de HSS : des décors minimalistes, une caméra figée, les tablées arrosées de Soju, les relations amoureuses naissantes, … La réalisation de HSS est simplissime, épurée et d’autant plus forte dans ses quelques effets (notamment le zoom caractéristique du réalisateur). Pour autant, derrière une simplicité apparente se cache une narration très complexe. Une jeune coréenne prise dans des soucis familiaux et financiers entame l’écriture de trois court-métrages (qui constitueront les trois parties du film). Chacun fait intervenir les mêmes personnages avec pour protagoniste une française exilée/en vacances en Corée du sud, Anne (campée par Isabelle Huppert). La jeune auteure et sa mère sont par ailleurs elles-mêmes des personnages des trois histoires. Si mon propos confus ne vous éclaire pas, il prouve au moins la complexité du récit.
Le film propose une réflexion très poussée sur le processus créatif. Le point de départ est assez accessible : la création est un processus infiniment subjectif. Cela va plus loin, l’œuvre échappe à l’artiste à mesure que l’écriture avance. Lorsqu’Anne récupère dans le troisième court-métrage le parapluie caché dans le deuxième volet, le film prend une dimension supérieure. Anne, personnage fictif, utilise le parapluie (ou la bitte d’amarrage) comme une ancre lui permettant d’investir le processus créatif. Ainsi, elle s’extrait de son créateur. Non seulement, les personnages semblent doués d’une volonté propre mais ils créent les espaces d’expression de leurs fulgurances inconscientes. Si la pédanterie nous prenait, on se surprendrait à dire que chez HSS le processus créatif est fractal. C'est-à-dire que chaque étape de mise en abime est un lieu de création, ouvrant lui-même la voie à une dimension supérieure.
In Another Country s’inscrit dans un cinéma de peu d’effets à la photographie imparfaite et sans psychologisation des personnages. Pourtant, le propos modestement vêtu décrit intelligemment et avec beaucoup d’humour toute l’épaisseur du processus créatif. Humblement, HSS entoure son film dans une bonhomie adorable ; les personnages sont truculents, souvent bourrés, toujours attachants.