Le titre du film prête à confusion, et c’est sans doute volontaire au vu de ses développements savamment confus et transgressifs. L’autre pays n’est pas tant celui que visite notre Huppert nationale, que celui d’une contrée parallèle aux territoires conventionnels de la fiction. Paradoxalement, c’est une expérimentation assez française à laquelle se livre Hong Sang-Soo : sur un postulat proche de celui du Smoking/no smoking de Resnais et dans des marivaudages rohmériens, les personnages rejouent une histoire dont on change quelques paramètres, sous la plume d’une jeune cinéaste en herbe.
L’étrangeté du procédé, donnant à voir trois variations sur le même canevas, intègre la fiction elle-même par le jeu d’une langue que ne comprend pas Anne, le personnage d’Huppert qui échange en anglais avec les autochtonies, mais échappe à certaines conversations qu’on lui résume plus ou moins partialement. Toujours aussi fraiche et enthousiaste, la comédienne exporte sans mal sa singularité sous les clartés du matin calme, et fait tourner la tête à des Life Gards, des scénaristes ou des cinéastes, sous l’œil plus ou moins clément des dames locales.
A partir de la deuxième occurrence du récit, le spectateur s’amuse (poliment, sans enthousiasme béat non plus) des récurrences et des variations proposées sur le récit originel, illustration des humeurs chafouines des jeux amoureux, à tout âge, et sous toutes les latitudes. Non dénué d’humour, (il faut voir Huppert bêlant à l’adresse des chèvres ou soupirant de satisfaction à chaque gorgée de sa boisson) à la fois un peu atone et d’une ligne claire qui désactive l’irritation qu’il pourrait procurer, le film avance tranquillement, s’estompant au bout de 85 minutes avant d’avoir pu faire des ravages.
Sobrement poétique dans sa façon de filmer une mer froide ou ses rivages blafards, In another country n’a pas d’autre ambition que de construire le petit archipel de « déjà vus » de l’écriture sentimentale. C’est original, légèrement pétillant, un peu anecdotique, mais digeste.