NOTES DIVERSES DE L'AUTEUR AUTOUR D'IN GIRUM IMUS NOCTE ET CONSUMIMUR IGNI

SUR IN GIRUM

Tout le film (aussi à l'aide des images, mais déjà dans le texte du « commentaire ») est bâti sur le thème de l'eau. On y cite donc les poètes de l'écoulement de tout (Li Po, Omar Khayyām, Héraclite, Bossuet, Shelley ?), qui tous ont parlé de l'eau : c'est le temps.

Il y a secondairement, le thème du feu ; de l'éclat de l'instant : c'est la révolution, Saint-Germain-des-Prés, la jeunesse, l'amour, la négation dans sa nuit, le Diable, la bataille et les « entreprises inachevées » où vont mourir les hommes, éblouis en tant que « voyageurs qui passent » ; et le désir dans cette nuit du monde (« nocte consumimur igni »).

Mais l'eau du temps demeure qui emporte le feu, et l'éteint. Ainsi l'éclatante jeunesse de Saint-Germain-des-Prés, le feu de l'assaut de l'ardente « brigade légère » ont été noyés dans l'eau courante du siècle quand elles se sont avancées « sous le canon du temps »...

22 décembre 1977

G.D.

NOTE SUR L'EMPLOI DES FILMS VOLÉS

Sur la question des films volés, c'est-à-dire des fragments de films extérieurs transportés dans mes films - et notamment dans La Société du spectacle - (j'envisage principalement ici les films qui interrompent et ponctuent, avec leurs propres paroles, le texte du « commentaire », qui est celui du livre), il faut noter ceci :

On pouvait déjà lire dans « Mode d'emploi du détournement » (Lèvres nues, n°8) : « Il faut donc concevoir un stade parodique-sérieux où l'accumulation d'éléments détournés... s'emploierait à rendre un certain sublime. »

Le « détournement » n'était pas ennemi de l'art. Les ennemis de l'art ont été plutôt ceux qui n'ont pas voulu tenir compte des enseignements positifs de l'« art dégénéré ».

Dans le film La Société du spectacle, les films (de fiction) détournés par moi ne sont donc pas pris comme des illustrations critiques d'un art de la société spectaculaire, contrairement aux documentaires et actualités par exemple. Ces films de fiction volés, étant étrangers à mon film mais transportés là, sont chargés, quel qu'ait pu être leur sens précédent, de représenter, au contraire, le renversement du « renversement artistique de la vie ».

Derrière le spectacle, il y avait la vie réelle qui a été déportée au delà de l'écran. J'ai prétendu « exproprier les expropriateurs ». Johnny Guitar évoque les réels souvenirs de l'amour, Shanghaï-Gesture d'autres lieux aventureux, Pour qui sonne le glas la révolution vaincue. Le western Rio Grande veut évoquer toute action et réflexion historique. Arkadin vient pour évoquer d'abord la Pologne ; puis la vie juste. Le film russe, intégré dans le discours, est aussi en quelque manière rendu à la révolution. Le film américain sur la guerre de Sécession (sur Custer) veut évoquer toutes les luttes de classes du XIXe siècle ; et même leur avenir.

Il y a un déplacement dans In girum..., qui tient à plusieurs importances différences : j'ai tourné directement une partie des images, j'ai écrit directement le texte pour ce film, enfin le thème du film n'est pas le spectacle mais au contraire la vie réelle. Il reste que les films qui interrompent le discours viennent plutôt le soutenir positivement, même s'il y a une certaine dimension ironique (Lacenaire, le Diable, le fragment de Cocteau, ou l'anéantissement du régiment de Custer). La Charge de la Brigade légère veut « représenter », très lourdement et élogieusement, une dizaine d'années de l'action de l'I.S !

Et bien entendu, l'emploi de la musique, tout aussi détournée que le reste, mais que même là chacun sentira comme son emploi normal, a toujours une intension positive, « lyrique », jamais distanciée.

31 mai 1989

G.D.

[notes que l'on retrouvera, pages 1410-1412, dans les Œuvres, Quarto Gallimard]

Balbutien
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le 11 févr. 2024

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