"Un roi sans divertissement est un homme plein de misère."
Singulier et difficilement comparable à quoi que ce soit d'autre cet objet purement théorique assume d'emblée sa prétention à renier, rejeter, et peut-être transcender le Septième Art et ses innombrables ressorts manipulateurs. En moraliste de son époque et des époques passées de son vivant l'intellectuel sociologue Guy Debord développe une étude n'épargnant rien ni personne, revendiquant son mépris pour les travers mensongers d'une société fondée sur l'image et la consommation, sur l'esclavagisme du bourgeois exécuté sur le prolétaire ( et inversement ) et sur l'anesthésie exercée sur le peuple via le spectacle et le confort matériel.
Sa voix, son timbre et son débit enrobent une succession d'images souvent en décalage avec le propos, n'illustrant que très rarement ce qui est dit par le sociologue. Nous sommes souvent proche d'un roman-photo aride et un tantinet rébarbatif à suivre, d'autant plus que Debord multiplie les axes de réflexion sans relâchement aucun. Il en résulte une réflexion très soutenue sur le Cinéma comme Art du mensonge et comme moyen de pression sur l'intelligence du premier citoyen venu, une vision désenchantée voire passéiste du Paris du XXeme siècle ou encore une exploration des valeurs théoriques générales. Le palindrome du titre, cité à deux reprises dans le métrage, témoigne d'une humanité cultivant l'ignorance pour mieux soustraire à sa condition la liberté et le discernement qui en découlent. Délibérément pessimiste Guy Debord livre un discours souvent très intéressant même si forcément élitiste, crachant avec cynisme sur tout un pan de cinéphiles ou de simples spectateurs. A voir pour qui en aura le courage.