C’est un rebord de fenêtre, c’est une chemise ou une porte d’entrée, ce sont des petits riens. Des détails insignifiants au quotidien qui rappellent soudain à Joey quelques instants de sa vie, épars, avec Cody, son compagnon qui vient de disparaître dans un accident de voiture. Joey est seul maintenant avec Chip, le fils de 6 ans de Cody qu’ils ont élevé ensemble. Ensemble, ils étaient papa et papou. Ensemble, ils avaient une vie tranquille et ordinaire, acceptés de tous, et même par les proches de Cody, et par Eileen, sa sœur, qui se réclame aujourd’hui tutrice de l’enfant qu’un vieux testament établit par Cody statue de fait. Pour Joey, qui se pensait intégré et "de la famille", la bataille juridique commence.
À aucun moment In the family ne cherche à dénoncer ou à prôner quoi que ce soit (certains pourront le déplorer, sans doute) par rapport à l’homoparentalité, à l’adoption ou au mariage (au contraire, le couple que forme Cody et Joey semble aller de soi, une évidence, installé dans la "norme", ce mot qui fait frémir les réfractaires de tous poils), simplement parce que ces sujets ne sont pas l’épicentre du film. Hors sujet donc. Aucune disposition contestataire ou revendicatrice, communautaire (LGBT) ou même identitaire (queer). Pas de débats de société ni de poses militantes, mais l’histoire discrète, presque banale, d’un homme qui veut récupérer "son" fils. Une histoire comme il en arrive pas mal, chez n’importe qui, n’importe où, dans le Tennessee ou à Paris.
Patrick Wang se refuse à verser dans le pathos et le drame familial acharné. Ici tout est calme, tout est doux et feutré. Les scènes les plus pesantes (l’annonce de la mort de Cody, l’enterrement, l’intervention de la police…) sont systématiquement ramenées au hors-champ, les cris et les pleurs sont comme en sourdine, intimes, à l’intérieur. Les écueils du film, malheureusement, sont à déceler ailleurs. La mise en scène est rachitique (manque de moyens ?), réduite à d’affreux cadrages fixes et serrés (à 90%) qui étouffent les scènes, se focalisant, certes, sur les personnages (Joey y est souvent de dos, au bord, seul) et leurs émois, mais sans aucune force d’évocation, de perspective ou de frémissements. Et puis le film est trop long (2h50), et cette longueur n’apporte rien de vraiment substantiel en soi, sinon des scènes inutilement étirées, voire purement inutiles.
Et puis Wang joue mal. Ce n’est pas qu’il joue mal en fait, le problème est différent et quasi mineur, ridicule même, mais Wang a une diction étrange et comme surfaite, une façon de parler absolument insupportable. Cette élocution agaçante dessert son beau rôle de père "psychologique" et l’empathie que l’on devrait, normalement, avoir pour lui, excepté peut-être dans cette longue scène de déposition (presque une demi-heure), morceau de bravoure vers laquelle tend le film en entier, et dans laquelle Joey explique pourquoi il peut être un bon père, raconte son enfance aussi, dit les liens avec sa famille adoptive et celle de Cody. Expression finale d’un amour indéfectible, au-delà de tout jugement et de toute limite.
Article sur Seuil critique(s)