Après Nos années sauvages, Wong Kar-Wai retourne dans le Hong Kong des années 60 avec In the Mood for Love. J’en attendais beaucoup de cette œuvre. Après avoir pris une énorme claque avec Chungking Express et, à peu de chose près, la même avec les Anges Déchus, j’avais mis la barre très haute pour ce In the Mood for Love, considéré par beaucoup comme son chef d’œuvre ultime.
Et bien que je continue à préférer les 2 œuvres cités au-dessus (notamment pour leurs ambiances 90s et leurs folies dans la mise en scène), In the Mood for Love est une énorme réussite, misant quasiment tout sur la forme.
La grande réussite vient de la façon dont l'histoire est mise en scène. Les plans séquences souvent ralentie, posséde une grande variété de couleurs vives et ternes, le placement / mouvement / cadrage non conventionnel du travail de la caméra, et cette musique douloureuse jouée en boucle font de In the Mood for Love une grande prouesse technique.
Et puis il y a le minimalisme qui imprègne tout le film. Le dialogue est rare et contourne généralement la question. L'amour ne s'adresse qu'une ou deux fois directement, mais il est toujours là, s'attardant dans l'ombre, recroquevillé sous une terrasse alors que les pluies font rage au-delà.
L'histoire est si simple avec sa prémisse de deux voisins qui sont réunis, en raison de l'infidélité de leurs conjoints invisibles qui ont une liaison l'un avec l'autre. Ce qui le rend si unique, c'est qu'au lieu que Mme Chan et M. Chow l'utilisent pour épanouir leur propre amour, ils se polarisent à la place dans cet état de victimisation, en jouant le rôle de nombreuses situations en agissant comme partenaire infidèle l'un de l'autre.
Il y aura des moments où vous penserez enfin qu'il y a un certain soulagement à ce que Mme Chan puisse s'entendre avec son mari, mais soudain, nous réalisons qu'elle joue toujours à ce même jeu de torture avec Chow. Alors que les deux tombent amoureux l'un de l'autre, ils sont terrifiés par le tabou de leur amour dans le cadre de cet immeuble des années 60 à Hong Kong.
Vos vies se sont entrelacées en devenant victimes d'adultère et de l'emprise consécutive du chagrin. Vous êtes désespérément seul, ensemble. Les promenades solitaires dans les ruelles de nuit envahissent votre être même, la caméra vous espionne dans les passages, les couloirs et dans les pièces de la même manière que vos voisins et collègues parlent de vous. Les sentiments sont refoulés jusqu'à ce que votre cœur ne puisse plus supporter de le faire. Vous êtes obligé de fuir pour survivre…
C’est à la fois triste mais également beau, très beau même. La photo, le jeu des acteurs, leurs regards, les silences, les parties de mah-jong des voisins, les murs délavés, les pluies tropicales, les bureaux, les bruits des machines à écrire… Une époque qui passe pour devenir qu’un souvenir, des regrets qui s’accumulent et la cité d’Angkor qui scelle le tout.
Le film forme un ensemble qui ne peut être séparé sans perdre le fil si subtil et insaisissable de cette rêverie dans le monde des regrets.