Vous voulez voir le film qui a fait connaitre le réalisateur le plus en vogue du moment ? Alors vous devez voir Incendies. Réalisé par Denis Villeneuve, à qui on doit également Prisoners, Enemy, Sicario et ce qui est (pour l'instant) son chef d'œuvre absolu Premier Contact, Incendies est le film qui a mis Denis Villeneuve sur la voie du succès international. C'est un film d’une puissance émotionnelle folle et qui est toujours d'actualité, même plus de dix ans après sa sortie en salles.
Adapté de la pièce de théâtre du même nom de Wajdi Mouawad, Incendies est un récit qui couvre plusieurs époques, de nombreux pays et personnages, mais Denis Villeneuve contrôle parfaitement (ou presque) la narration éclatée de son film. Le mystère qui est au cœur de ce conte sur la famille, la religion, la guerre, la vie et la mort, ne perd jamais de vue son objectif, alors que nous sommes entraînés de plus en plus loin dans un conflit entre les chrétiens et mulsulmans. Le film nous piège dans sa toile et refuse de nous laisser partir.
Si le film débute au présent (au début des années 2000) quelque part au Canada, très vite il nous transporte au Moyen-Orient, dans une contrée fictive qui rappelle fortement le Liban. On découvre la ville occidentale, celle du nord (la partie chrétienne) dont Jeanne Marwann porte la langue. L’autre terre, celle du sud (la partie musulmane), apparaît quant à elle sur plusieurs décennies, des années 1950 à nos jours. La complexité du scénario réside aussi dans le fait qu'on découvre des personnages à des âges différents, portant deux noms différents ou exerçant divers métiers. Heureusement pour nous, il y a le notaire qui relie les événements et les personnages les uns aux autres. Le notaire, c'est en quelque sorte le narrateur du récit.
Il n’y a pas l’abondance de plans léchés, ni le flair visuel pour lequel Denis Villeneuve est reconnu aujourd'hui, mais la force du film vient presque exclusivement de la main habile du réalisateur québécois, de sa gestion d’un scénario que d’autres cinéastes auraient bien eu du mal à donner vie. Lui seul pouvait mettre en image un récit aussi complexe en moins de 2h00 et alors que la pièce de théâtre originale dure plus de 4h00. Il a cette fabuleuse capacité à structurer son scénario, en donnant lentement les clés de compréhensions au fur et à mesure qu'on avance dans le récit ... et au moment où nous réalisons ce qui attend les personnages principaux, le pouvoir symbolique et émotionnel du film devient encore plus fort.
Trop en dire sur le scénario, serait rendre un bien mauvais service à un film qui multiplie les rebondissements. Pour être très bref, Incendies c'est l'histoire de deux jumeaux Jeanne (Mélissa Désormeaux-Poulin) et Simon Marwan (Maxim Gaudette) qui essaient de retrouver leur père qu’ils n’ont jamais connu, ainsi qu'un frère dont ils viennent à peine de découvrir l'existence, après le décès de leur mère Nawal (Lubna Azabal) née au Moyen-Orien. Et pour cela, ils seront bien aider par le notaire de famille Jean Lebel (Rémy Girard). Incendies, c'est bien plus qu’un drame familial classique, car il met aussi en avant le conflit entre chrétiens et musulmans (aka la guerre sans nom).
A bien des égards, le film nous montre une nouvelle facette de Denis Villeneuve, que nous ne connaissions pas tous. Il prouve ici qu'il est tout aussi à l’aise pour gérer des budgets de plus de 150 millions de dollars dans des films de science-fiction pour les grands studios hollywoodiens, que derrière la caméra pour un petit drame intime qui est purement motivé par sa narration et ses personnages. C'est la preuve, une fois de plus, que le cinéaste québécois est un homme aux multiples talents et un réalisateur à chérir, pour tous ceux qui aiment le cinéma.
Maintenant, parlons de ce twist final ...
Que Nihad, le premier fils de Nawal, est l’homme qui l’a violée en prison et qui a donné naissance aux deux jumeaux ... sans aucun doute, c’était complètement inattendu. C’est une coïncidence assez folle, qu’il ait été la personne chargée de la torturer en prison et qu’il ait choisi de la violer elle. Même en mettant tout ça de côté, le vrai problème c'est que ça n’ajoute pas de profondeur ou n’explique rien sur les personnages ou dans l’intrigue. Il n’y a pas de problèmes génétiques évoqués pour des enfants conçus par l’inceste, et il n’y a aucune raison qui explique pourquoi son premier fils est devenu un tortionnaire notoire. Alors tout ça, ça ne rend pas le twist mauvais ou illégitime, mais ne le rend pas non plus particulièrement percutant.
J’adore la cinématographie, j’adore la réalisation, mais le film met peut-être un peu de temps à démarrer, ne décollant réellement qu'après les 45 premières minutes. Et puis, la narration non linéaire n'est pas très claire au début et on met du temps à s'y retrouver entre les différents lieux et les différentes "time line". Mais tout ça c'est bien peu de défauts, comparé aux immenses qualités du film.
Pour tous les fans de Denis Villeneuve, vous devez voir Incendies. Il n'a rien perdu de sa force émotionnelle et symbolique depuis sa sortie en salles (2010). Parfois difficile à regarder, mais toujours passionnant, c'est un film remarquable et le point de départ d'une longue et fructueuse carrière, pour l’un des plus grands cinéastes de l’ère moderne.