Prologue – Le Chœur des Spectateurs
Ô sombres divinités de l’Occident aveuglé,
Voyez comme la main du Destin s’abat sans pitié
Sur les enfants d’une femme muette,
Qui, dans la tombe, leur tend un parchemin de mort !
Mais est-ce oracle ou malédiction ?
Est-ce vérité ou perfide ruse du fatum moderne,
Qui ne cherche que l’émoi et non la raison ?
Premier Acte – L’Appel du Néant
Sur les rivages gelés d’un lointain royaume,
Deux âmes en errance, aux cœurs froids et purs,
Reçoivent du Styx un message funèbre.
Le Notaire, sombre prophète en toge austère,
Leur livre la sentence d’une mère absente :
"Partez, mes enfants, traversez l’ombre et la cendre,
Suivez la route brûlée par le fer et le sang,
Car dans le tombeau de mon âme gît un monstre,
Un spectre incestueux, un fruit maudit des Enfers."
Ainsi parla la morte, et dans son silence moqueur,
Elle lança ses enfants sur la route du néant.
Deuxième Acte – L’Épreuve du Désert
Le Chœur des Spectateurs chante alors le voyage,
Et de la bouche des vieilles du marché
S’élèvent les échos d’une guerre sans nom.
Le fils s’emporte, la fille s’obstine,
Ils arpentent les ruines d’un royaume oublié,
Jusqu’à découvrir, dans les couloirs de la mémoire,
L’empreinte du Mal, gravée dans la pierre des prisons.
Là, dans un recoin maudit,
Gît le Seigneur de Guerre,
Le Monstre au double visage,
Le Frère et le Père,
Le Bourreau et l’Enfant,
Le fils de la Mère,
Le père des Jumeaux !
L’oracle est accompli. Le Sphinx moderne
A livré son énigme aux âmes perdues.
Mais quelle réponse, sinon le gouffre ?
Quelle sagesse, sinon la démence ?
Ainsi hurle la fille, et le fils,
Dans le silence du désert,
Cherchent en vain l’ombre d’un dieu compatissant.
Troisième Acte – L’Anagnorisis du Vide
Mais quel héros ose affronter l’absurde ?
Là où Œdipe, pris dans les serres du destin,
Se crève les yeux pour ne plus voir l’ignominie,
Ici, l’enfant maudit se contente d’un soupir.
Nulle révolte, nulle transcendance,
Juste l’écume fade d’un drame sans catharsis.
La Mère, en son tombeau de mensonge,
Ne se lèvera point pour absoudre sa lignée.
Elle les a jetés dans l’abîme du pathos,
Sans jamais leur donner la clé de la grandeur.
Et les enfants, enfants sans grandeur,
Restent là, vacillants, au bord du précipice,
Regardant l’abîme sans savoir s’y plonger.
Épilogue – Le Chœur des Spectateurs juge le Destin
Ô spectateurs trompés, ne cherchez point la tragédie,
Car ceci n’est point une œuvre de dieux,
Mais le caprice d’un démiurge sans substance,
Qui a troqué le fatum pour un artifice,
Et la grandeur pour une imposture.
Nous sommes sortis du théâtre,
Non accablés par la grandeur du Destin,
Mais agacés par la lourdeur d’un drame factice.
Que les dieux nous préservent des tragédies sans nécessité,
Car ici, l’horreur n’est qu’un simulacre,
Et l’émotion un mensonge.
Ainsi s’achève cette mascarade du pathos,
Et le Chœur, d’un même souffle,
S’efface dans l’oubli.