Incubus est un projet assez attirant de par son statut de film jusqu'à récemment introuvable, de la décision du réalisateur de le tourner en espéranto, et aussi parce que y'a William Shatner dedans, et qu'un film avec William Shatner ne se refuse pas, même si il n'est pas approprié pour ce rôle d'un soldat en convalescence dont la pureté même séduit une succube - eh, c'est plutôt du genre à jouer de son charrme sédukteur pour emballer les nanas pour tout dire.
Entendant parler de cette histoire de succube tentatrice qui essaye de s'attaquer à un homme pur, chose à éviter pourtant car sa pureté pourrait bien la détourner des voies de l'enfer, je me suis attendu à un film sur la pureté de l'âme et de l'amour, un truc qui serait un peu culcul certes mais que la mise en scène et la recherche de l'absolu élèverait à un métrage qui soit beau, dans le sens où c'est beau et pur et d'eau fraîche.
Ayant vu dans ma triste vie deux-trois films de Carl Theodor Dreyer, ma première réaction est de considérer que ce film y est affilié, lui qui me semble être dans cette recherche de la pureté totale ou quelque chose du style. C'est la comparaison avec ce réalisateur, même superficielle de la part d'un type qui imagine à peine vaguement ce qu'il a essayé de faire, c'est donc la comparaison avec les films de ce réalisateur qu'Incubus signe sa perte, car en effet, il n'est nullement intéressé par la pureté des sentiments de la succube protagoniste. La seconde moitié du film ne détaille pas sa psychologie pourtant assez simple, ce qu'elle détaille par contre, c'est l'arrivée de l'incubus du titre, de sa cérémonie noire, du viol d'une innocente, bref les éléments horrifiques, forcément la psychologie de la femme succube, que l'on n'exige pourtant pas compliquée, elle passe à la trappe. Son revirement n'est qu'un point de scénario qui signifie la conclusion du film, et c'est tout ; grande déception qui trahit des intentions bien moins pures du réalisateur.
Le métrage a au moins un bon avantage : la beauté de ses décors, dans un très joli noir et blanc champêtre, accompagné d'une musique assez envoûtante qu'on doit à Dominic Frontiere, que je croyais jusque là associé à la télévision sur des séries comme Les Envahisseurs. Il se trouve que Frontiere travaillait sur Au-delà du réel, série produite par un certain Leslie Stevens qui a justement réalisé ce film - et il a emmené ses contacts dans le coup. A ce moment là je pense que je peux vaguement comprendre que Leslie Stevens voulait donc faire un simple petit film fantastique.
Hélas pour lui, il n'a pas choisi la forme d'un film d'horreur mais d'un film beau, dans des décors magnifiques et une musique envoûtante. Il a choisi l’espéranto ce qui commet l'erreur de placer de film dans une dimension hors du temps, poétique, poétique abaissée par quelques dialogues mal choisis comme lorsque l'on parle de la "corruption par l'amour" comme d'un viol.
Ce n'est donc pas du Dreyer, loin s'en faut, probablement que l'idée n'est même pas venue au réalisateur, et je dois avouer que j'en ressens une certaine déception que ça n'ait pas plus poussé dans cette direction. Quelle idée aussi d'utiliser l'espéranto et des décors aussi beaux d'un contexte aussi simple et universel, pour faire une petite série B d'épouvante, fallait faire plus gaffe. C'est important de bien savoir conjuguer la forme au fond quand même, pour preuve que le réalisateur aurait besoin d'un Bescherelle du cinoche. M'enfin, reste que le film, malgré lui, est élevé par ses qualités formelles qui en font une petite curiosité.