James Mangold n'est pas un faiseur mais un authentique cinéaste : le type qui a fait Copland mérite qu'on lui tire son chapeau. Ça tombe bien, de chapeau, il en sera naturellement question ici. Mangold aurait pu faire servilement un film de studio, s'acquitter d'une commande sans âme, comme le fut le pathétique Indiana Jones et le Crâne de cristal, dont on cherche encore le scénario.
Or il livre une copie enthousiasmante : non pas un chant du cygne, un vrai retour aux sources.
Quarante ans depuis Les Aventuriers de l'Arche perdue, quarante ans que Harrison Ford nous enchante en Indy, avec ses mimiques, sa veste en cuir élimée, sa détestation du IIIe Reich — et sa phobie des serpents.
Lucas et Spielberg, producteurs exécutifs, se sont penchés sur le berceau de cet ultime opus, si délibérément fidèle à leur projet initial. Quand on retrouve la ligne rouge sur une carte indiquant le chemin parcouru en avion, en train ou en bateau, l'émotion est palpable, c'est le souffle de l'aventure, une nouvelle fois ; il n'est en revanche presque pas fait usage de ces irritants collages qui viennent souvent plomber les suites, de ces citations pas inspirées de films précédents, auxquels ne seront faites, ici, que de subtiles allusions.
Un bonheur de (re)création.
Comment se fait-il que nos héros d’enfance et de jeunesse soient encore capables, à 75 ans et des bananes, de nous convier à de nouvelles, grandes aventures, et que nous soyons de nouveau heureux, comme ces enfants que nous étions ?
Ce que je dis là de Harrison Ford, vaut pour Stallone dans Tulsa King. Le charisme. Une certaine classe, les retrouvailles avec cette présence singulière, que le temps n'a pas érodée.
Et qu’on retrouve dans ce prologue fascinant où c’est le Harrison Ford d’il y a quarante ans qui se coltine un train entier de nazis, à la recherche d’un de ses habituels fabuleux artefacts.
Lorsque Carrie Fischer est ressuscitée dans Rogue One, c'est certes impressionnant mais un peu artificiel, et ça ne dure qu'un plan. Le prologue de cet Indiana Jones-là est une séquence nettement plus longue, et virevoltante ; j'y ai en vain cherché ce côté carton-pâte des effets 3D, si réussis soient-ils.
Mads Mikkelsen. Il faudrait un Oscar du meilleur Mads Mikkelsen, qui est une catégorie d’acteurs à lui tout seul. Il décrocherait ici un accessit bien mérité.
La jeune Helena, Phoebe Waller Bridge (soit mur et pont, si l'on y songe) : cette arriviste assoiffée d’argent, affichant un cynisme sans scrupule, évoluera vers un attachement de plus en plus sincère envers Indy. Il ne s'agit pas du premier portrait de femme dans la série, celles-ci ayant en général un caractère assez trempé pour tenir tête au héros — sauf la cruche dans Le Temple maudit. Cependant, c'est ici une jeune femme, la trentaine, de la fin des années soixante, autonome, belle, et tout un tas d'autres qualités dont elle se targue : quasiment un alter ego du Jeune Indiana Jones.
Je ne vais pas spoiler mais vous inviter très vivement à aller savourer ce dernier opus jonesien.
Pour ce qui me concerne, je le placerai au troisième rang de la série mythique, derrière le film original, puis le fantastique Indiana Jones et la dernière croisade, devant ledit Temple maudit, que je n'aime pas, hormis pour son prologue au club Obi-Wan, et très loin devant le dernier de la classe, cet injustifiable Crâne de cristal.