Produit par Mankiewicz, dirigé par George Cukor, le cinéaste qui "aimait les femmes" (pardonnez du peu !), "Indiscrétions" est bien sûr avant tout un hymne à la lumineuse Katharine Hepburn, qui est d'ailleurs à l'origine du film puisqu'il s'agissait d'une adaptation d'une pièce de théâtre où elle avait triomphé ! C'est elle qui confère au personnage Tracy Lord toute sa morgue, sa fougue et sa fragilité maladroite, faisant du film un saisissant portrait de femme moderne et complexe, qui marqua le Cinéma. Si l'on admet, avec Cukor que "the prettiest sights in this pretty world is the privileged classes enjoying their privileges" (est-ce même ironique?), il est impossible de ne pas chavirer littéralement de bonheur devant ce - véritable - classique, pourtant pas tout-à-fait exempt d'imperfections : quelques "tunnels" au début, certains compliments un brin laborieux dans la bouche de James Stewart, qui s'en sort tout de même magnifiquement dans un rôle un peu ingrat. Mais il est impossible de ne pas rendre les armes devant tant de décadence snob et de débauche alcoolisée...
On ne peut donc créditer Cukor de toute la splendeur d'un scénario qui conjugue au delà de nos espérances la frivolité du marivaudage, faisant le sel de toute bonne "comédie du remariage", et une bouleversante profondeur quand il s'agit de l'acceptation des faiblesses humaines, son génie de metteur en scène reste indéniable : au delà du brillant prologue du film, le fait que Katharine Hepburn irradie ici comme jamais sans doute, et transforme la moindre scène, qu'elle soit de comédie loufoque ou de doute existentiel, en une célébration exaltante de la Beauté et de l'Intelligence féminine, c'est forcément le talent éblouissant du metteur en scène qui s'illustre ! Chaque personnage secondaire est précieux, chaque ligne de dialogue un éblouissement, chaque plan est une merveille de composition au service d'une narration parfaite. "Indiscrétions" nous parle en outre des tensions entre classes, de la montée de la presse "people", ce qui est loin d'être ridicule trois quarts de siècle plus tard, mais surtout de tolérance.
Le résultat : on rit, on pleure, on jubile, on trépigne... Oui, s''il y a jamais eu un film irrésistible, une Comédie indétrônable, c'est bien "Indiscrétions".
[Critique écrite en 2005 et complétée en 2017]