Infestation de taupes à Hong-Kong

Il est maintenant de notoriété public qu'Infernal affairs est le film dont Les infiltrés est le remake. Il est de bon ton d'encenser cette version par rapport au film bien moins méritant de Scorcese. Sauf que, et malgré les notes que je vois chez mes éclaireurs, je m'inscris en faux et ose dire : Infernal affairs, c'est quand même pas terrible. Et tant pis si je me trompe.

Revu récemment, j'ai même encore moins aimé qu'au premier visionnage. Commençons par les bons points : l'histoire est intéressante, les acteurs sont bons, à l'exception peut-être de la copine du gangster infiltré qui, disons, heureusement a peu de scènes. C'est dynamique, ça se veut élégant. Sauf que ... Et là commencent les mauvais points.

Le générique offre des images d'idoles tourbillonnantes sur une très bonne musique. Le film s'ouvre ensuite sur une prière à Bouddha : un truand rend hommage aux victimes de son clan avant de se tourner vers l'avenir. Il a perdu ses hommes à cause de la police, il va donc logiquement essayer d'infiltrer celle-ci pour prévenir de prochains revers. Ce début et la citation religieuse en exergue donne, je crois, une clé de lecture du film. Nous y reviendrons.

Et là, premier problème, ça va à toute allure. J'aime bien qu'un film ne me prenne pas pour un idiot, ça me flatte, mais encore faut-il laisser le temps de réfléchir à ce qu'il se passe. Franchement, sans avoir vu le film de Scorcese ou lu le pitch, c'est assez nébuleux. Et puis les personnages, on n'a absolument pas le temps de s'y intéresser. Bref, ce n'est quand même pas bien raconté, il faut bien le dire. Les personnages sont tellement vides que les acteurs ont beau faire, ça ne prend pas. Franchement, comment ressentir la nostalgie du flic infiltré depuis longtemps, alors que cette infiltration est une gigantesque ellipse de dix ans? Qui peut ressentir les affres du gangster qui aspire à devenir un vrai flic, si ça prend une scène, comme en passant?

Bref, c'est malin, mais c'est froid, désincarné.

On croit deviner que la citation en exergue s'applique au survivant et qu'elle le voue à de grands tourments intérieurs, certes, mais comme le film s'arrête là, on a surtout l'impression qu'il prend bien soin de finir là où on aurait aimer le voir démarrer, sur le développement psychologique des personnages. Un revirement soudain, une sentence religieuse, voilà tout ce qu'on a. Le reste, c'est un polar d'action pas vraiment prenant, car se reposant trop sur son intrigue, comme si le film entier était une introduction.

Le film se termine sur des cornemuses jouant un hommage. Ces mêmes cornemuses se retrouvent dans le film de Scorcese, comme un relais attrapé en passant. Les infiltrés est loin d'être mon Scorcese favori, mais au moins, j'y vois des personnages, pas seulement un pitch étiré indéfiniment. Alors pour moi, deux visionnages chacun, et aucun doute, le remake américain est bien le plus intéressant des deux, de loin.