"Là, on n'est pas loin du chef d'oeuvre..."

Ce n'est pas moi qui le dis (enfin si, mais je ne fais que reprendre...).

Ce sont les mots d'un des protagonistes, à la fin du film. Sous couvert de dire cette phrase en contemplant la croix gammée sur le front de l'Allemand, Tarantino exprime sa pensée sur son (sans doute) meilleur film. Evidemment, après Pulp fiction, kill bill, etc, dur dur de surprendre encore... Mais le réalisateur va faire se succéder des chapitres, nous offrant à chaque fois des univers très différents : une ferme, un cinéma, une cave, un salon, un café, une entrée de grotte. Les transitions se déroulent parfois en extérieur, mais l'essentiel dans ce film est à l'intérieur.

Les dialogues sont ciselés, les plans rapprochés, la confrontation des personnages souvent brutale, la tension est omniprésente (sauf pendant la fabrication du film anti-nazi, mais cette partie est à mon avis la moins aboutie).

Le réalisateur va prendre son pied à réinventer l'Histoire (ben oui, ce n'est "que" du cinéma...).

La violence est montrée sous beaucoup d'aspects (verbal, sadique, involontaire, retorse, morale, etc). Mais il ne faut pas s'arrêter à l'habit que porte le moine. Un des moments expliquant ce propos est celui où l'Allemand tueur des Juifs, impeccablement habillé, extrêmement courtois, prévenant, fait son laïus anti-juif (discours horrible évidemment), alors que dans la scène suivante, l'Américain "bouffeur de nazis", dans un discours simpliste voire barbare, annonce qu'il veut des scalps des nazis et que les alliés ne doivent pas s'encombrer de pitié ni de bonnes manières. La morale reste cependant du côté de l'Américain.


De plus, le spectateur peut s'identifier aux personnages, mêmes aux plus méchants: tous ont des qualités qui les rendent humains: un discours argumenté, une bonne morale, une revanche acceptable, un don pour deviner le personnage de la carte collée au front...

Ce qui est jouissif dans ce film, c'est que lorsqu'on le regarde plusieurs fois, la maîtrise de tous les aspects filmiques est telle que l'on prend déjà du plaisir à revoir la scène qui suit (avec la bande-son aussi : scène de début de film avec l'arrivée des nazis dans la ferme, scène de la grotte d'où l'ours juif va sortir, etc..) Ce découpage en chapitres est un excellent moyen de s'imprégner de l'histoire. Au contraire de de Pulp Fiction et de Kill Bill notamment, la chronologie est (globalement) repectée. Le spectateur peut se reposer et plus facilement se laisser bercer par l'histoire.

Après avoir visionné plus de 10 fois ce film, je me dis que Tarantino a réussi une grande oeuvre. Ne le voir qu'une seule fois n'est (largement) pas suffisant. Mon premier visionnage ne m'avait pas laissé un grand émoi... Unglorious Bastards est le grand frère de Pulp Fiction avec une unité d'action plus resserrée. Kill Bill présentait des scènes parfois longues de combat, éloignées du propos essentiel (l'apprentissage du kung fu). Là, la durée des chapitres est homogène, le propos suit toujours sa cohérence. La seule digression concerne le cinéma, mais elle est le moyen de s'approcher des nazis...


Dans Unglorious Bastards, la violence comme moyen de vaincre est Le propos essentiel.

Tarantino n'a pas réalisé un film drôle (même si certaines scènes le sont : le troisième meilleur en italien...). C'est un film où la tension est très forte, la violence soit présente soit redoutée. Et les scènes taillées au millimètre.

Ce film ne se laisse pas dévoiler facilement (Django unchained est par contre accessible plus rapidement). Mais ce plaisir de revoir le film plusieurs fois permet une mise à distance de cette violence, de mieux l'appréhender, peut être aussi de la banaliser, mais surtout de l'analyser : le discours du chasseur de Juifs est argumenté, imagé, mais reste horrible et très violent; le fermier français est "obligé" de dénoncer ses Juifs; le colonel qui se fait fracasser la tête engendre des rires chez les bastards; l'un des nazis est tué "sans faire exprès"; l'actrice subit une torture de la part de Brad Pitt; les nazis sont fusillés dans le cinéma dans une sorte d'euphorie et de délire ; etc; toutes ces scènes sont etxrêmement travaillées et apportent au spectateur des émotions différentes. C'est en analysant ces scènes que l'on comprend pourquoi telle situation et telle violence engendrent telle émotion.


Donc pour conclure : des personnages horribles mais à qui on peut s'identifier; de la violence qui nous déroute car elle nous entraine vers des émotions diverses, une ode au cinéma, des acteurs époustoufflants (Pitt, Fassbinder, Waltz !); une tension quasi ininterrompue dans des endroits clos ; une prise de distance vis à vis de l'Histoire ; des dialogues ciselés.

Merci Monsieur Tarantino!


Lourmaisie974
9
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le 20 oct. 2022

Critique lue 23 fois

Lourmaisie974

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