Sorti initialement dans une seule salle, Inguelezi est bien un film qui a été fait au forceps. François Dupeyron a assumé cet état de choses et a fait d'une faiblesse une force dans un projet cohérent dans son fond, sa forme (tourné en DV avec une équipe légère) et même son mode de diffusion. Plus que jamais d'actualité, l'histoire met en scène Geneviève, une femme brisée par la perte de son mari, qui retrouve dans son coffre de voiture un homme qui n'a qu'un mot à la bouche "Inguelezi". Elle comprendra bien vite que l'homme est un migrant (même si en 2004, on disait encore "clandestin") et qu'il n'a qu'un but aller en Angleterre ("Inguelezi" en kurde). De l'incommunicabilité du début et de la crainte de se sentir menacé par un étranger, va naître un amitié et même plus, sans pourtant tombé dans l'angélisme - le film sait rester à tout moment réaliste et presque documentaire dans son approche. En aidant cet homme, Geneviève va retrouver un sens à sa vie et va aller jusqu'au bout du voyage pour l'emmener à Londres. Dupeyron va lui-même faire le voyage, faisant traverser le tunnel sous la Manche à ses acteurs en les filmant clandestinement, donnant un sentiment de vérité à cette aventure humaine et pourtant quotidienne.