Comment qualifier autrement Inherent Vice de Paul Thomas Anderson que de complètement barge. On y découvre tout d’abord des acteurs charismatiques à souhait. L’ambiance psychédélique des années 70, les goûts vestimentaires à l’apogée de leur décontraction, le libertinage plus que jamais au cœur des mœurs. L’œuvre cinématographique retransmet l’univers créé de pure invention par l’auteur original du bouquin Thomas Pynchon. Au hasard, ce que j’ai préféré : les couleurs spitantes, la dernière Cène version hippie, la bande originale !
Larry ‘Doc’ Sportello (Joaquim Phoenix), un détective privé, mène une enquête sordide sur la disparition d’un milliardaire dont son ex-petite amie Shasta (Katherine Waterston) est tombée amoureuse. Il met le doigt sur un trafic entre mafieux et flics corrompus et nous embarque au gré de ses rencontres. Le film est bourré (voire ‘overdosé’) de connotations, de sous-entendus hilarants, de situations équivoques, comme si tout ne tournait qu’autour du sexe, de la drogue et du rock’n’roll mais jamais dérangeant, comme si le vice inhérent était en nous tous et qu’on ne pouvait plus le cacher.
Le rythme est parfois difficile à suivre, on se trouve dans un schéma linéaire qui ne nous emmène pas forcément quelque part, du moins certainement pas là où on l’attend. Un schéma d’autant plus compliqué par l’usage constant de substances illicites qui nous fait douter si nous aussi on ne nage pas en plein délire. De plus, les personnages se suivent et ne se ressemblent pas, on a du mal à retenir les noms, les rôles, les relations, on se demande même s’ils apparaissent réellement ou s’ils sont imaginés par Doc. On se casse la tête à comprendre, on se perd, mais on savoure tout ce qui nous est servi, sans rechigner. C’est tout simplement l’intention du réalisateur que de semer le doute dans l’esprit du spectateur. De le laisser gagner par le flou et la désinvolture de l’époque. Les scènes sont parfois invraisemblables, les réactions beaucoup trop zens, mais la qualité l’emporte mille fois.
I can hear you pants growing.
Répond Reese Witherspoon au téléphone, un plan fixe sur Joaquim Phoenix. Voilà qui en dit long sur les dialogues, tous plus délicieux les uns que les autres. Les échanges entre les personnages, les réflexions, la narration, tout est brillamment écrit. Puis tout à coup, le film est marqué par un tournant : Shasta se lance dans un monologue bizarrement sensuel que Larry vient interrompre brutalement. On rentre dans une ambiance un peu plus sombre, un peu plus perturbante, on a quitté les volutes bleues pour un brouillard épais. On suit ce qu’il se passe mais on reste assez passif face au dénouement de l’histoire. Tout est voulu comme tel. Pour donner l’impression de planer jusqu’au bout avec le protagoniste.
Du début à la fin, il y a un vrai souci du détail, une exagération à outrance, un sublime mélange de passion et d’émotion. A voir, à revoir sans se lasser, tant les détails échappent. Le duo Joaquim Phoenix et Katherine Waterston ne laisse personne indifférent. Une belle amoureuse, un vieux crado, on pourrait presque comparer cela au Serge Gainsbourg – tout en jeans vêtu et au look négligé – et sa muse Jane Birkin. « Dans la jungle de mes cheveux… ». De quoi s’y perdre entre tous ces fumeurs de havane.