David Lynch disait que dans le film Boulevard du Crépuscule, Billy Wilder arrivait à nous faire croire en l'existence d'un Hollywood qui n'a sans doute jamais existé et ce, en nous immergeant dedans comme dans un rêve. La même chose pourrait être dite à propos de P.T. Anderson et de son Inherent Vice.
Fidèle à l'ambiance du livre de Pynchon, Anderson présente Los Angeles comme un songe profond dans lequel évolue des personnages hauts en couleur et où règne une paranoïa cristallisant toutes les peurs propres à l'époque des seventies. La réalisation, constituée essentiellement de lents travellings avant et de plans-séquences, amplifie cette mise en abîme dans un monde perdu et isolé du temps. Fruit de la culture populaire, de l'histoire et des peurs d'une Amérique alors tourmentée par des tueurs comme Charles Manson ou des présidents avides de pouvoir comme Nixon, Los Angeles se présente comme une bête malade renfermant d'innombrables secrets impossible à dénouer tant ils sont nombreux.
C'est pourtant ce que va essayer de faire le héros de l'histoire, Doc Sportello, magistralement interprété par Joaquin Phoenix. Digne représentant des hippies, il va vite découvrir que son fameux peace and love et ses illusions de liberté sont en réalité réduites à néant par un capitalisme sous-jacent avide de pouvoir et de contrôle.
Car derrière son intrigue à tiroirs, c'est cela le sujet même du film. Inherent Vice c'est le constat doux-amer de la fin d'une époque d'insouciance qui laisse désormais sa place à une ère de folie et de violence. Les personnages du film sont complètement perdus et comprennent que des jours sombres sont à venir.
Avec ce film, P.T. Anderson prouve encore une fois son immense talent et s'impose sans conteste comme l'un des meilleurs réalisateurs de sa génération. Bien que difficile d'accès de par sa complexité et son rythme au ralenti, Inherent Vice demeure un grand un film qui mérite que l'on s'attarde dessus.