Et le cinéma, il est où ?
On a aimé croire en la qualité prétendue du nouveau film de Paul Thomas Anderson, qui avec cet Inherent Vice nous promettait de belles choses. Un film onirique et enfumé, probablement très coloré, comme ses magnifiques affiches. Un film policier sur fond de fumette et de vieux vinyles, aux personnages atypiques. Pourtant la désillusion n’en est que plus impressionnante quand l’on doit admettre, vingt minutes après le départ de l’intrigue, que celle-ci ne va nulle part. Adapter un roman, aussi complexe soit-il, n’est pas une mince affaire, mais Anderson n’a absolument pas les épaules pour. Sorte de défilé de personnages loufoques, sans logique, le réalisateur en oublie de raconter une histoire, pensant qu’une atmosphère se suffit à elle-même, que son héros d’accro aux pétards est le parfait prétexte à des scènes empilées à la suite, sans réelle continuité. Si les films « trips » peuvent avoir une symbolique très forte, et mettre en images un certain type de pensée (Enter The Void par exemple), le film de P.T Anderson n’arrive jamais à donner cette sensation d’onirisme, beaucoup trop commun dans son aspect visuel ou même dans son montage extrêmement longiligne, n’offrant jamais de réelle envolée. Plus grave encore, Inherent Vice en devient un film nombriliste, complètement enfermé dans cette mise en scène en plans séquences fixes, certains durant plus de cinq minutes durant lesquelles les acteurs à l’écran ne diront que bêtises et propos inintéressants.
On est en face ici d’une véritable catastrophe, d’un film mal pensé et complètement feignant. Ce réalisateur d’envergure qu’est Paul Thomas Anderson semble complètement se laisser aller, ne semblant pas avoir de réelle maîtrise sur sa production. Si adapter un roman aussi complexe est un challenge de taille, il convient que cela passe par une vraie discipline et réflexion lorsqu’il s’agit de l’adapter au langage du cinéma. Entre voix off et scènes interminables, ou encore un nombre de sous-intrigues proprement incalculable, Inherent Vice est une sorte de film hybride entre hallucination et mélancolie où tout le monde cabotine. Si la tentative s’avère payante sur certains pans absurdes du récit ou la retranscription de l’époque, il en est tout autrement sur le reste, c’est à dire malheureusement, le cœur du film. On se demande finalement si tout cela a bien un quelconque intérêt au cinéma.