Avec Ink, Outbuster a réussi une fois encore à nous dénicher un objet cinématographique non identifié qui ravira les amateurs de fantastique à la recherche d’une oeuvre originale. Ink est le deuxième film de Jamin Winans qui s’est fait connaître avec le court métrage Spink dans lequel un DJ agissait sur le temps à l’aide de ses platines vinyles. Il signe ici une oeuvre ambitieuse développant une mythologie passionnante. Un projet que le réalisateur essaye tout d’abord de faire financer par les studios qui font la sourde oreille. Il décide alors de réaliser le film avec ses maigres moyens, occupant la plupart des postes techniques avec sa bien-aimée. Quant aux acteurs, il les recrute à deux pas de chez lui à Denver.
Une fois le long-métrage tourné, le réalisateur fait de nouveau face au mépris de nombreux professionnels du cinéma qui refusent de distribuer son film. Jamin Winans entame alors le tour des festivals pour faire connaître son travail tout en préparant une sortie sur support physique. Soutenu par les fans de genre, Ink va faire beaucoup parler lors de ces présentations dans le cadre de manifestations autour du fantastique. Un bouche-à-oreille enthousiaste qui conduit ce long-métrage à être présent sur les sites de téléchargement illégaux américains où il se retrouve en tête des oeuvres cinématographiques les plus piratées. Les sites spécialisés s’emparent alors du phénomène et de nombreux articles sont publiés autour du film. Pour une fois, le piratage va aider à la reconnaissance d'une création artistique et donner lieu à des ventes massives sur supports physiques. Sans oublier que Ink fait également une entrée remarquée sur iTunes où il fait un carton.
Ce long-métrage est un microbudget. Les limites du projet sont ainsi visibles à l’écran avec un étalonnage où les blancs sont saturés et l'emploi du blur (effet de flou) utilisé pour donner du cachet à une image numérique HD pas forcement reluisante. De la même façon, le réalisateur recourt à un surdécoupage qui permet de ne jamais s’attarder sur les décors plutôt chiches. La succession ultrarapide de plans donne du dynamisme à l'ensemble tout en facilitant la mise en place des chorégraphies des combats qui n’ont pas besoin d’être précises. Enfin, malgré l’énergie communicative des comédiens, il est clair que l’interprétation du film s’avère assez moyenne.
Mais oublions son aspect parfois bricolé, Ink est truffé de séquences d’une grande inventivité comme dans cette scène où le personnage aux yeux scotchés se met à influer sur le monde réel par le biais du tempo donné par une vieille boîte à musique. Et comment ne pas évoquer ce final dantesque dans l’hôpital où les incubes, les méchants du film, apparaissent comme des ombres chinoises et se ruent sur les héros. À ce titre, les expérimentations numériques dans le film rappellent parfois la troisième saison de Twin Peaks. En effet, dans ces deux oeuvres, les effets digitaux ont le charme des trucages à l’ancienne qui n’avaient pas pour vocation d’être réalistes. Ink à l’instar du dernier opus de Lynch nous propose un visuel que l’on pourrait considérer comme du Méliès 2.0.
Si le film mixe plusieurs réalités à la manière de Dark City ou Matrix, son récit n’est jamais gratuit. En effet, le réalisateur offre toutes les informations nécessaires au spectateur afin de rendre son récit intelligible dans le dernier tiers du film. Jamin Winans utilise les éléments le fantastique afin de nous offrir une allégorie sur notre société actuelle. À ce titre, les méchants du film au look cyberpunk incarnent les dérives d’une époque où l’arrivisme a pris le pas sur les relations humaines.
Mad Will
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