Inland Sea
7.8
Inland Sea

Documentaire de Kazuhiro Soda (2018)

Dans ce film documentaire, Kazuhiro Soda suit un groupe de petits vieux qui vivotent dans un village qui s'accroche à eux, rescapés d'une autre époque et trésors fragiles d'un autre temps. Il s'attarde surtout sur deux d'entre eux : Wai-chan, un très vieux pêcheur de 86 ans qui porte en lui tout un monde, tout un savoir faire, et Kumi, une vieille radoteuse un peu folle et peut-être plus vieille encore, qui rôde, à l’affût, sur les quais.

Les principes du film d'observation de Soda tiennent en dix commandements :

1 Aucune recherche préalable.

2 Pas de rencontres avec les sujets.

3 Pas de scénario.

4 Mettre en mouvement la caméra soi-même.

5 Faire des prises aussi longues que possible.

6 Couvrir profondément les petites zones.

7 Ne pas prévoir un thème ou un but avant le montage.

8 Pas de narration, de titres sur-imposés, ou de musique.

9 Faire des plans longs.

10 Payer soi-même pour la production du film.

Le résultat est une longue improvisation dédiée à l'observation totale, mêlant technicité, inattendu et intuition. La caméra est nerveuse, intransigeante, conquérante et tendre, fait tout voir. On observe des poissons qui agonisent, des mains meurtries qui fouillent la terre, des visages fatigués sur lesquels il s'arrête longuement ou des démarches qu'on sent trop douloureuses pour n'être pas montrées. On sent que le regard de Kazuhiro Soda veut avant tout percer l'autre : fidèle à son principe d'observation, il s'arrête longuement dans les petits endroits, donne du détail à un monde qu'on oublie de voir au cinéma, ces détails qu'on nous cache souvent. Mais il sait aussi montrer les paysages marins magnifiques qui irradient de beauté cette mer intérieure, cadre du documentaire.

Soda travaille un peu omme un ornithologue - cherche à montrer avidement sans altérer la matière qu'il veut donner à voir. Il ne prend presque pas la parole et se contente de la donner pour mieux écouter et transmettre. Il se jette à la poursuite d'une passante dans la rue pour la suivre jusqu'au cimetière, se faufile avec un chat qui nous fera rencontrer son maître, retombe enfin, quelques rues plus bas, à nouveau sur Kumi, notre vieille radoteuse un peu trop collante et moins passive... il l'accompagne alors à nouveau, un peu fatigué on le sent, elle qui presse, presse pour l'emmener on ne sait où, et qui finit, d'une anecdote à une autre, par dévoiler le poids de sa douleur, dans l'un des moments les plus forts du film. Un très beau film.

Zaul
10
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le 1 févr. 2023

Critique lue 331 fois

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Zaul

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