Femme. Hommes.
Prénom Insiang. Monstres abstraits.
Joli soleil trompeur. Déserts, vains pâturages.
Enfant sauvage, belle-dame. Rapaces, reptiles ou fauves,
Dans un dédale nommé Manille. Tous aveuglés par cet arôme.
Où brillent les flambeaux des gangs. Qui, doux, solaire, embuent leurs adages.
D’une étincelle grimant le souffre en candeur. Un brasier noir dévore d’épouvante une famille. Ils sont de misérables Icare, faisant naufrage. Auprès d’un idéal de tempête aux vagues mauves.
Dans une montée lente et éprouvante, Lino Brocka installe comme un malaise enchanteur. Par un crescendo sinueux, il nous fait voir le vice qui, se camouflant sous de multiples facettes, s’insinue partout. La tentation. L’envie. L’orgueil. La jalousie. Toutes ces tares s’immiscent dans les relations de la jeune et splendide Insiang et empoisonnent sa famille, ses amies, son amour. Et son environnement qui devient une oppression constante. Que ce soit dans les rues où jonchent détritus et épaves, dans son domicile telle une cage ou encore face à l’étroitesse des chemins qu’elle emprunte ; elle se perd.
Ainsi, la misère encadre de bois et d’épines cette torture que peut être parfois le quotidien. Elle est à la source du film. Son cœur même. Elle s’incarne dans la figure d’Insiang, dans ses traits, dans ses expressions, dans ses gestes, dans ses regards. Elle est ce qui nuance le tragique et ce qui dissout le comique. Elle est ce que l’on rejette et ce qui nous absorbe. Elle n’a jamais le même visage mais toujours le même profil.
La misère est une plainte muette.
Insiang est martyre de sa beauté.
Insiang est une rose née sans épines.
Insiang est l’objet du regard des autres.
Insiang est une sainte vierge aux yeux noirs.
Insiang est la quintessence de l’innocence violée.
Insiang est le visage de la misère, éclairé de pudeur.
Insiang est un regard perçant l’ombre de son éclat de feu.
Insiang est une larme de sang tombant dans un océan d’affects.
Insiang est comme un contrepoint unique dans une partition inachevée.
Insiang est une vérité à qui l’on a fait croire que le mensonge était sa vraie nature.
Insiang est la colère ayant trouvé dans la souffrance de ses tortionnaires la clef de son entrave.
Insiang est une force de la nature, qui par un besoin d’affranchissement, boit le calice jusqu’à la lie.