La semaine dernière, j'ai vu Insiang de Lino Brocka, sorti en 1976.
Insiang est une jeune fille douce et jolie dans les bidonvilles de Manille, et elle est de fait l'objet des attentions masculines. Elle habite avec sa mère, la tyrannique et antipathique Tonya qui fait un jour s'installer à la maison son nouvel amant Dado, le caïd du quartier qui semble avoir un faible pour Insiang.
C'était génial. C'est une histoire dure et crue, qui met vraiment mal à l'aise. Dès le début, dès les premières scènes, on comprend de quoi on va parler, on sait que ça va forcément finir par arriver. On sait que ça va causer de manipulation, et très probablement de viol, et on attend presque que ça arrive, histoire qu'on en finisse, qu'on puisse partir à autre chose.
Insiang, c'est l'histoire tragique d'une jeune fille qui aurait pu devenir autre chose dans un autre environnement, et qui n'est pas aidé (c'est un euphémisme) par son entourage : une mère tyrannique, un pseudo beau-père violent et amoureux d'elle, un petit ami lâche et profiteur. Face à ces obstacles, Insiang finira par céder et commencera à devenir ces personnes qu'elle déteste pour pouvoir les détruire.... Un seul des personnages masculins constitue toutefois une petite lueur d'espoir, preuve que Lino Brocka n'est pas totalement désespéré sur la nature de l'homme.
Quelques scènes ressortent tout particulièrement, notamment au début. Il y a évidemment ces premières images de porcs égorgés à l'écran dans l'abattoir ou travaille un des protagonistes. Si pour les philippins ce n'est probablement pas une image insoutenable, les occidentaux peuvent facilement être choqués dès les premières minutes face à la brutalité assumée d'une autre culture. Une autre scène qui m'a marqué, c'est au début, lorsqu'un personnage secondaire féminin se fait harceler par une bande de débiles alcoolisés qui finissent par lui toucher les seins. On sent tout de suite que cette scène n'est rien d'autre que du foreshadowing : on va parler d'hommes stupides qui pensent seulement à leur propre plaisir avec en face des femmes que ça peut briser.
Insiang, c'est également une manière de filmer les bidonvilles de Manille, presque documentaire. En terminant le film, on a l'impression de connaître l'endroit, tant la démarche se rapprocherait du cinéma-vérité. Bref, Insiang, c'est mon premier film philippin et ce ne sera pas le dernier. Lino Brocka est un des (très) rares réals du pays à s'être exporté à l'étranger et je peux comprendre pourquoi. Je regarderai ses autres films .
A vrai dire, ça faisait quelques mois qu'un film ne m'avait pas mis aussi mal à l'aise... La dernière fois, c'était Kids de Larry Clark.